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que la malheureuse n’eût point été poignardée si elle s’était trouvée dans une autre aile du château. Il n’y avait, sans doute, dans tous ces faits que des coïncidences, sur lesquelles la tradition populaire avait brodé de fantastiques dessins.

Voulant donner un cours plus riant à ses pensées, la jeune femme, après avoir visité sa chambre, fermé la porte et ouvert sa fenêtre, avait laissé errer son imagination qui était allée rejoindre l’aimé.

Elle avait connu Raymond Dauriac dans un bal où sa mère l’avait conduite deux ans auparavant. Le jeune homme avait trouvé le moyen de rencontrer la jeune fille pendant les vacances qu’elle passait au château de Sauré. Usant de ruse, il était parvenu à la revoir en diverses circonstances, soit à travers les grilles du couvent, soit dans le bois qui entourait le vieux manoir… Un amoureux n’est jamais à court d’expédients.

Et maintenant, Judith faisait des rêves d’avenir. Elle était en âge de se marier. Raymond allait terminer ses études. Rien, semblait-il, ne s’opposerait à leur bonheur…

Ainsi chevauchait l’imagination de la jeune fille, tandis que son regard, à travers les branches qui geignaient devant sa fenêtre, contemplait le ciel orageux.

Mais, tout à coup, elle fût tirée de ses rêves par un cri perçant et lugubre qui semblait venir du parc et se mêla à la plainte furieuse du vent. Ce cri soudain lancé dans la nuit la surprit et la fit frémir jusqu’à la moëlle des os. Elle se ressaisit et pensa : — C’est sans doute le hululement de quelque oiseau de nuit,