— Ô ciel ! Madame Mauvin ! elle !… c’est impossible !…
Savanne avait bondi vers elle :
— Que dites-vous ?
— C’est horrible ! c’est horrible ! ne cessait de répéter la sorcière.
Savanne la fit assoir devant lui et lui dit sur un ton autoritaire :
— Que venez-vous de dire ? Mme Mauvin… Parlez ! parlez ! je vous l’ordonne.
Il avait saisi son révolver :
— Vous vous êtes écriée : Mme Mauvin !
La sorcière semblait affolée :
— C’est, en effet, Mme Mauvin qui est là,… la véritable Mme Mauvin.
— Et l’autre, celle du château ?
— C’est une fausse Mme Mauvin… Ah ! c’est horrible !…
Ce ne fut pas sans peine que Savanne parvint à faire parler la sorcière.
Celle-ci, en proie à une surexcitation intense, fit le récit terrible que nous allons reproduire.
— Puisque la morte est revenue, dit-elle, je n’ai plus de raison de me taire. Voici ce qui se passa : il y a seize ou dix-sept ans de cela. Par un soir d’orage, un homme qui cachait ses traits sous un chapeau à larges bords vint me trouver accompagné d’une femme. L’homme c’était M. Mauvin, la femme c’était sa maîtresse, Mlle Levroie. Ils me demandèrent de leur préparer un de ces poisons mystérieux qui ne laissent aucune trace… je refusai d’abord ; ils me menacèrent. Le châtelain arrivé depuis peu dans la contrée était puissant. J’eus l’air de céder. Il était aisé de deviner qu’il s’agissait d’un crime. Le lendemain, je fournis à mes… clients une boisson qu’ils me payèrent à prix d’or. Au lieu d’un poison, j’avais fourni une liqueur qui donne le sommeil. Je m’étais dit : ainsi ma conscience est tranquille et la police, au lieu de découvrir une morte, trouvera une femme endormie. Ce qui se passa alors, je ne le sus qu’après. J’avais vu deux fois la véritable Mme Mauvin qui m’avait fait l’aumône. Or, après les événements que je viens de vous