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— Non, pourquoi ?

— Ne sais-tu pas que la tradition prétend que les démons qui hantent le gouffre réclament à manger : les paysans, pour adoucir leurs courroux, ont l’habitude de leur jeter des miches par l’orifice.

— J’ignorais cette légende ; mais j’ai pour parler aux diables un revolver qui rabaissera leur caquet. Mais j’oublie d’allumer ma lanterne sourde.

Et saisissant la lampe de poche qu’il portait sur lui, Savanne enflamma la mèche. Puis lentement, avec précautions, il descendit dans le gouffre béant.

Dauriac attendit, frémissant…

Savanne descendait, descendait…

Les minutes s’écoulaient, longues…

Savanne descendait toujours.

— Diable ! pensait-il, pourvu que ce gouffre ait un fond autre part qu’à l’autre extrémité de la terre…

Enfin après une descente qui dura près de dix minutes, Savanne sentit sous ses pieds un terrain fangeux. Avant d’abandonner la corde, il braqua la lueur de sa lanterne dans les ténèbres enveloppantes. Dans le réseau de clarté qu’il projetait autour de lui, il vit un spectacle bien fait pour faire frémir les plus intrépides. Devant lui s’ouvrait un gouffre d’ombre, une caverne hideuse qui avait un peu l’aspect d’une grotte, et où grouillaient dans la fange des bêtes infectes, parmi lesquelles le jeune homme reconnut des crapauds, des lézards et des reptiles de toutes formes.

Çà et là gisaient des squelettes humains ou animaux contorsionnés en des attitudes étranges : c’étaient vraisemblablement les dépouilles des êtres qui, par imprudences ou curiosité, étaient tombés dans le gouffre.

Savanne brandit sa lanterne et s’engagea dans la caverne qui décrivait sous terre, les plus capricieux méandres, il marcha ainsi pen-