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ciel même brillait dans sa prunelle perçante. Il ajouta d’une voix acerbe :

— Et voilà, jeune homme étourdi qui, en voulant trop connaître, vous êtes jeté dans les griffes du lion, voilà qui est le Chasseur Rouge. Vous avez voulu percer le mystère qui m’entourait : vous êtes satisfait. Mais vous n’ignorez pas qu’il est des secrets qui tuent. Le mien est de ceux-là. Il y a des jours où la douleur et la haine m’étouffent et débordent de moi-même, ces jours-là j’épanche ma douleur, je donne libre cours à ma haine, mon secret m’échappe et je parle… Mais malheur à qui m’écoute ! Comme le sphinx, je dévore mes victimes.

Savanne, nous l’avons, dit, était brave. Sous le regard perçant du bandit, il ne broncha pas. il ne frémit pas. Sa mâle attitude sembla étonner le Classeur Rouge lui-même qui le contempla avec une sympathie où perçait une secrète admiration. « Voilà un homme ! » semblait-il se dire en lui-même.

Savanne dit enfin :

— Vos secrets vous appartiennent. Certes, je comprends votre rancune, sinon votre vengeance. Mais je n’admets pas que l’on frappe des êtres sans défense, des femmes !…

— A-t-on eu pitié de la mienne ?…

— C’est vrai, la fatalité est aveugle ; mais faut-il faire de l’injustice une loi, faut-il pour punir un misérable, frapper des innocents ?

— C’est au cœur que je veux frapper le criminel, c’est là que je veux le faire souffrir, comme j’ai souffert. Dent pour dent, œil pour œil !…

— C’est injuste et c’est infâme ! Et, bien que n’étant pas ce qu’on est convenu d’appeler un petit saint, ni un chrétien, je préfère à cette doctrine de haine celle toute de pardon qu’enseigna le Christ.

Au surplus, la vengeance comme la justice, est un glaive à deux tranchants : elle blesse