fusil tiré la nuit d’un taillis va vous abattre, qu’une arme tranchante va jaillir d’un mur, d’un plafond ou d’un plancher au moment où l’on se repose !… Et ne pas savoir qui lance l’arme, qui prépare le poison, qui tire !…
L’Ennemi ? où est l’Ennemi ? qui est l’Ennemi ?
Tel était le problème qui se posait à l’esprit de Dauriac. Car, le jeune homme ne se le dissimulait pas, si deux personnes étaient menacées, l’une d’elles était certainement sa fiancée, Judith Mauvin. L’autre ? Lui ?… Peu importait.
Mais à la seule idée que celle qu’il aimait était en danger de mort, la fièvre le gagnait, une rage sourde et impuissante s’emparait de lui et, ne voyant « l’ennemi » nulle part, il voyait des ennemis partout.
Oui, il voyait des ennemis dans les domestiques du château — gens très recommandables pourtant, nés dans la contrée, connus de tous et attachés au service de M. Mauvin depuis de nombreuses années — dans le médecin qui soignait Judith — un brave docteur de campagne — dans la garde-malade qu’il avait lui-même recommandée, dans le facteur postal qui apportait la correspondance le matin, dans le paysan qui passait devant l’entrée du parc. Pour un peu, il se serait méfié de son ami et des parents de sa fiancée. L’idée fixe du danger imminent et caché le hantait à tel point que toutes les personnes qui l’approchaient et celles qui ne l’approchaient pas lui étaient également suspectes.
Et plus l’état de Mlle Mauvin s’améliorait, plus les craintes du jeune homme grandissaient.
La jeune fille passait maintenant ses journées dans une chaise longue. La joie se mêlait à l’anxiété dans le cœur du jeune amoureux.
Le Chasseur Rouge n’avait plus reparu. La Sorcière n’était plus venue coller aux vitres illuminées de la chambre son visage blafard