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MADAME ROLAND

duisit chez Pétion et, en sortant, Mme Roland, dans l’enthousiasme, écrivit à Bosc : « Ô Liberté, ce ne sera pas en vain que de généreux citoyens se seront voués à ta défense ! » Ne trouve-t-on pas ici, dès qu’elle respire l’air brûlant du Paris révolutionnaire, le mouvement de la phrase illustre que la tradition lui prête et que sans raison, la critique voudrait lui reprendre ?

Les lettres de Mme Roland qui, à cette époque, vit entre son mari et ses amis, nous feraient défaut si Bancal, après avoir échoué aux élections, n’était allé honnêtement oublier son amour en Angleterre, sous prétexte d’observer sur place les effets de la Constitution anglaise. Cette singularité de ne pas habiter Paris, où ses opinions auraient dû lui faire une loi de demeurer et où son groupe ne cessait de l’appeler véhémentement, nous a valu l’admirable collection des lettres que Mme Roland, toute vibrante de passion civique, lui adressait au jour le jour.

Lanthenas aussi écrivait à Londres :

Mme Roland a été malade les premiers jours que nous avons été ici. Elle a cependant été à l’Assemblée Nationale. Elle en connaît maintenant les principaux personnages et elle s’est convaincue que la liberté, la Constitution, ne doivent pas tenir et ne tiennent pas aux hommes qui ont paru le plus dans le premier moment de la Révolution.

Tous attachent une importance majeure aux vues de leur grande amie. Un projet qui n’a pas été soumis à sa critique ne leur paraît pas mis au point. Ils sentent le besoin d’éprouver leurs opinions en les discutant avec elle, avant de les produire en public. Ainsi qu’en témoigne la correspondance, la vérité est que la plupart des idées politiques de son clan, venaient ou viendront d’elle. Elle est, dès maintenant, la femme dont Michelet a reconnu « la toute-puissante action en 1792 », celle dont M. Madelin a dit : « Cette femme a, plus que la plupart des hommes de sa génération, influencé le destin de 1791 à 1793… »

On le sentait bien dans les réunions de patriotes qui s’étaient organisées, presque d’elles-mêmes, dans son salon, quatre fois