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LA RÉVOLUTION

Necker est renvoyé par le roi, la Bastille enlevée par le peuple ; La Fayette, le héros d’Amérique, commande une Garde Nationale ; le roi se rallie à la Révolution et prend des mains du Maire de Paris la cocarde aux trois couleurs ; la reine et la cour conspirent contre la Nation ; Necker est rappelé, les princes se sauvent à l’étranger. Soudain, les lettres ne passent plus.

Bosc, resté sans nouvelles de Lyon, reçoit enfin quelques lignes du 26 juillet. Roland est sauvé, mais Mme Roland n’a plus un mot pour ses propres affaires : « Quel est le traître qui en a d’autres aujourd’hui que celles de la nation ? » s’écrie-t-elle.

Bientôt, avec un emportement insolite et dans des termes qui ne se retrouveront à aucun moment sous sa plume, elle va reprocher à Bosc trop de mollesse et de puérilité :

Il est vrai que je vous ai écrit des choses plus vigoureuses que vous n’en avez faites… Vous n’êtes que des enfants. Votre enthousiasme est un feu de paille et, si l’Assemblée nationale ne fait pas le procès de deux têtes illustres ou que de généreux Décius ne les abattent, vous êtes tous f…

Le pays lyonnais est agité de remous violents et contraires. Tandis que la bourgeoisie d’une municipalité écrit une adresse au roi pour réclamer un « exemple terrible » contre les ennemis qui osent le braver, une sorte de Jacquerie éclate dans les campagnes. Des châteaux sont brûlés et des bandes de brigands terrorisent les villages. Roland est convalescent mais il a quatre frères. Une seconde fois Mme Roland se fait l’homme de la famille. Toute seule elle part à cheval pour défendre le Clos qu’elle trouve d’ailleurs fort calme. Il y avait une bonne part d’imagination et de contagion nerveuse dans la grande peur des paysans.


Les sublimes paroles que l’abbé Fauchet prononce au lendemain du 4 août[1] arrivent jusqu’aux Roland :

Qu’ils ont fait de mal au monde les faux interprètes des divins oracles !… Ils ont consacré le despotisme, ils ont rendu Dieu complice des tyrans…

  1. On sait que la proposition d’abandonner les titres et les privilèges