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LA VIE CONJUGALE

naire ; à Chaillot voir la pompe à feu, dernière mode de Paris.

Lanthenas écrit à Amiens que les Lettres de noblesse sont « parfaitement dans les mains qu’il faut », et Bosc : « J’ai assisté hier à l’ouverture de la lettre que vous lui avez adressée et nous nous sommes embrassés à votre intention, avec toute la vivacité de nos attachements mutuels. » Roland, peu jaloux, plaisante sans grâce sur ces familiarités, mais écrit bientôt, assez piteusement, du reste :

Je ne vous dirai pas : quand vous en serez las, mais le plus tôt possible, renvoyez-la-moi. Vous me ferez grand plaisir. Elle a doucement accoutumé à elle le bonhomme qui, à présent, s’en passe difficilement.

Bosc était, sans aucun doute, amoureux de Mme Roland. Tous les amis du ménage le furent. Chez elle, cependant, pas trace d’art ou de coquetterie. Aucune équivoque. De l’honnêteté, de la bonhomie, de la rondeur, un ton affable et cordial : « Qu’est-ce qu’une femme de passé trente ans, qui est sage et point jolie, ou qui ne l’est plus, si vous voulez ? » écrit-elle, en se mettant d’ailleurs en contradiction avec tous les contemporains. Dans ses lettres à ses amis elle parle de « sa grosse figure », de « sa face de pleine lune ». Elle les embrasse beaucoup, mais ce n’est jamais qu’« à la grosse morguienne ».

Malgré la conquête de M. de Tholozan, l’affaire des Lettres dé Noblesse n’avançait pas et Mme Roland était obligée de reconnaître à la fin qu’elle ne pourrait pas la faire aboutir. Mais elle avait trop de sens pratique et d’esprit d’à-propos pour s’en retourner les mains vides et, ayant appris que l’inspection de Lyon était sur le point de devenir vacante, elle se la fit donner à titre de dédommagement. C’était sans doute à ses yeux un avantage moins flatteur, mais plus utile que celui qu’elle poursuivait, et, pour Roland, c’était un très bel avancement qui le ramenait dans son pays.

Fort satisfait, il vint chercher sa femme à Paris et, après un pèlerinage à Ermenonville, il la ramena à la maison de la rue du Collège où Eudora ne reconnut pas « sa triste mère qui s’y attendait et qui, pourtant, en pleura comme un enfant ».