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LA VIE CONJUGALE

grandit bientôt entre eux. Mme Roland appelait Lanthenas « le frère », il disait « sorella », et Roland ne parlait plus que du « fidèle Achate » !

Tous trois s’étant reconnu un goût commun pour les sciences naturelles, ils se mirent à suivre les cours de Jussieu et de Daubenton au Jardin du Roi où ils rencontrèrent un jeune naturaliste nommé Louis Bosc d’Antic, qui n’avait alors guère plus de vingt ans.

C’était un être attachant, qui se laissait pénétrer sans embarras et montrait du premier coup un esprit à la fois juste et romanesque, tout animé d’idées « philosophiques », une probité sans réflexion, un cœur tendre et naïf, une susceptibilité aiguë, quelque gaucherie de prime-saut, beaucoup de sympathie humaine et un amour débordant pour la botanique.

Fils et petit-fils de médecins, Bosc n’avait aimé jusque-là qu’à courir les bois et à collectionner les plantes qui y poussent pêle-mêle. Né herborisateur et destiné à l’artillerie par son père, il avait échoué dans les Postes qu’il délaissait en toute occasion pour courir la campagne.

Le hasard fit une bonne combinaison le jour où se rencontrèrent Bosc et les Roland. Ces trois existences ne pourraient être contées à part. L’amitié qui les réunit restera toujours un admirable exemple de désintéressement et de fidélité. On peut dire qu’elle durait encore trente-cinq ans après la disparition des Roland, en 1828, lorsque Bosc vint à mourir.

La connaissance avait été rapide. Le jeune homme se mit à aimer sans réserve le vertueux mari aussi bien que l’intelligente jeune femme et, quand le ménage partit pour Amiens en 1781, il avait même adopté leur ami Lanthenas. Une correspondance intarissable s’établit immédiatement. Bosc, qui entretenait des relations étendues avec le monde scientifique, pouvait beaucoup aider aux travaux personnels de Roland.

Mme Roland lui écrivit d’abord à la place de son mari, tantôt pour demander un renseignement, tantôt pour donner une commission, mais bientôt les lettres, de plus en plus communicatives, répondirent avant tout à un mutuel besoin de confiance et d’épanchement. Dans la vie provinciale que la jeune femme