Page:Clémenceau-Jacquemaire - Madame Roland, 1926.djvu/45

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
39
MONSIEUR ROLAND DE LA PLATIÈRE

économies dont il avait le plus grand besoin, elle part pour son ancien couvent où elle a loué une chambre de vingt écus :

À la Congrégation, je serai à ma cuisine, dit-elle, et je compte me tirer d’affaires avec mes 530 livres de rente.

Elle vivra de pois chiches cuits deux fois par semaine dans un pot. Elle cherchera des écolières et Sainte-Agathe viendra une fois le jour passer un quart d’heure avec elle. La rudesse d’un tel programme avait pour elle quelque chose de stimulant et tentait son puritanisme.

Du reste elle comptait sur le temps pour lui arranger les choses.

Elle n’avait pas tort. Roland avait donné dans le piège et, tranquillisé par l’étiquette — Amitié — inscrite sur les lettres admirables qu’il recevait, il consentit au principe d’une entrevue. Justement il allait bientôt se rendre à Longpont pour voir son frère. Il passerait par Paris, mais ce ne serait qu’au retour qu’il irait voir Manon qui, devant cette reculade pour elle incompréhensible, crut la partie perdue.

Le 9 décembre, quand il revient de Longpont à Paris, il n’arrive pas encore à se décider. Il temporise trois jours et c’est seulement le 12, qu’ayant ramassé ses forces, il marche au couvent comme au feu et en effet… « s’enflamme en la revoyant à la grille ».

Le lendemain il écrit :

Tu m’aimes… je ne sais si tu m’aurais fait plus de mal de me haïr.

Il a d’ailleurs quitté le couvent après l’heure de la clôture. C’est un homme dont les visites sont toujours longues. Un peu honteux il s’informe :

Qu’ont dit, qu’ont pensé tes dames ?

C’est le 12 qu’il l’a revue. Par un billet daté du 20, il s’engage définitivement. Il apostrophe Manon : « Quel est donc ton empire ? » et il lui dépêche, outre le sympathique curé de Longpont, une parente dont il fait grand cas, Mlle de La Belouze, dame de considération dans le monde parlementaire.