Page:Clémenceau-Jacquemaire - Madame Roland, 1926.djvu/21

Cette page a été validée par deux contributeurs.
15
L’ENFANT. — LA JEUNE FILLE

même l’exercice de la danse » que lorsqu’« on l’exige et qu’il est modérément pris ».

Voici comment elle fait son portrait :

À quatorze ans… j’avais environ cinq pieds ; ma taille avait acquis toute sa croissance ; la jambe bien faite, le pied bien posé, les hanches très relevées, la poitrine large et superbement meublée, les épaules effacées, l’attitude ferme et gracieuse, la marche rapide et légère : voilà le premier coup d’œil. Ma figure n’avait rien de frappant qu’une grande fraîcheur, beaucoup de douceur et d’expression. À détailler chacun des traits on peut se demander : où donc en est la beauté ? Aucun n’est régulier, tous plaisent. La bouche est un peu grande, on en voit mille de plus jolies ; pas une n’a le sourire plus tendre et plus séducteur. L’œil, au contraire, n’est pas fort grand, son iris est d’un gris châtain, mais placé à fleur de tête, le regard ouvert, franc, vif et doux, couronné d’un sourcil brun comme les cheveux et bien dessiné, il varie dans son expression, comme l’âme affectueuse dont il peint les mouvements ; sérieux et fier, il étonne quelquefois, mais il caresse bien davantage et réveille toujours. Le nez me faisait quelque peine, je le trouvais un peu gros par le bout ; cependant, considéré dans l’ensemble et surtout de profil, il ne gâtait rien au reste… Le front large, nu, peu couvert… Quant au menton assez retroussé, il a précisément les caractères que les physionomistes indiquent pour ceux de la volupté ; lorsque je les rapproche de tout ce qui m’est particulier, je doute que jamais personne fût plus faite pour elle et l’ait moins goûtée. Le teint vif plutôt que très blanc, les couleurs éclatantes… la peau douce, le bras arrondi, la main agréable sans être petite… des dents fraîches et bien rangées, l’embonpoint d’une santé parfaite, tels sont les trésors que la nature m’avait donnés.

Avant tout, elle a besoin de sympathie, mais éprouve le plus grand scepticisme à l’égard des « politesses fades » et de « l’encens au nez » que l’on reçoit dans le monde. Elle est trop avisée pour ne pas avoir vu que l’on se moque des femmes qui prennent au sérieux « les fadaises et les flatteries ».

Son père lui avait mis aux doigts le burin et les onglettes mais elle trouvait aussi peu intéressant de graver « les bords du boîtier d’une montre » que de « friser un étui » et elle renonça définitivement à un travail auquel elle ne se trouvait pas propre. En revanche elle lisait avec passion, aussi bien les