Mme Roland avait embrassé sa fille en la confiant à la bonne Fleury qui sanglotait.
— Vous avez là des personnes qui vous aiment, dit un des commissaires assez penaud.
— Je n’en ai jamais eu d’autres auprès de moi, avait-elle répondu dignement.
En bas, deux haies d’hommes armés entouraient un fiacre arrêté au milieu d’un rassemblement. Le fiacre s’ébranla. La foule suivit. Des femmes crièrent : « À la guillotine ! » et Mme Roland, fière au milieu des outrages, regardait tranquillement par les portières dont elle empêchait que l’on fermât les vitres.
Dans un langage admirable, à peine entrée en prison, elle écrit à la Convention une lettre dont ses amis Bosc et Champagneux[1], accourus auprès d’elle, tâchent de lui faire adoucir quelques termes.
Mais le Moniteur arrive. Elle le lit. Elle y voit le décret d’arrestation des vingt-deux Girondins. Elle crie : «Mon pays est perdu ! »
Il a fallu le danger de ses amis et l’abaissement de la République pour qu’elle aperçût les menaces de sa propre situation.
Sur le sort de Roland et d’Eudora, Bosc a rassuré son amie. Il est allé rue de la Harpe. Il a conduit la petite fille chez les bons Creuzé-Latouche qui l’ont « mise au nombre de leurs enfants ». Quant à Roland, il est caché au prieuré de Sainte-Radegonde[2], dans la forêt de Montmorency. De là, il tâchera de se rendre à Rouen, chez ses vieilles amies Malortie[3] dont le dévouement n’est pas douteux.
Tranquille à l’égard des siens, Mme Roland songe à organiser sa vie.
Quand elle était entrée en prison, une odeur gluante de misère et de malpropreté l’avait saisie aux narines et ses