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CHAPITRE V

LA PRISON. — LA GUILLOTINE
(31 MAI — 8 NOVEMBRE 1793)


« J’ai trop de courage pour avoir besoin d’en montrer. »

Mme Roland.


Quels cris répétés se font entendre ?… Ce sont ceux d’un colporteur qui annonce la grande colère du Père Duchêne contre cette b… de Roland qui est à l’Abbaye. La grande conspiration découverte des royalistes, Buzotins, Pétionistes, Girondins, avec les rebelles de la Vendée, les agents de l’Angleterre, etc…[1]

Nous sommes au 20 juin.

Depuis vingt jours Mme Roland est enfermée à l’Abbaye, entre les murs d’une prison sordide où, depuis moins de dix mois, le sang des victimes de Septembre sèche sur le plancher.

Il est huit heures du matin.

Les crieurs sont renseignés. Ils savent dans quel point de la sinistre bâtisse est logée l’ennemie de la Révolution, la vieille édentée qu’ils recommandent à la vengeance du peuple. Ils se tiennent sous sa fenêtre même et, sans rémission, leurs abois se répondent, reprennent les uns sur les autres, s’éloignent, montent, descendent, reviennent furieusement.

Harcelée de la sorte, la prisonnière a perdu son sang-froid. Elle écrit à Garat qui a succédé à Roland au ministère de l’intérieur :

Le brigand qui persécute, l’homme exalté qui injurie, le peuple trompé qui assassine, suivent leur instinct et font leur métier ;

  1. Lettre à Garat, datée du 20 juin 1793, à 8 heures du matin. Prison de l’Abbaye.