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INTRODUCTION

plement au sens général d’action. Il ne faudrait pas évidemment qu’elle suggérât un rapprochement avec nos modernes drames lyriques : entre autres différences fondamentales, le lyrisme de ceux-ci est surtout musical, tandis que celui des nô est principalement poétique, ne demandant guère à la musique que ce que tout lyrisme lui a d’abord demandé, un rythme extérieur pour le soutenir, et des timbres relativement peu variés, sur lesquels à l’infini il pût dérouler et cadencer ses périodes.

Quant au mot nô, de lui-même, c’est un verbe signifiant « pouvoir, être capable de, habile », d’où, lorsqu’il est employé substantivement, le sens de « pouvoir, capacité, talent ». Il est en effet certain que a été employé de très bonne heure pour désigner le « talent » des artistes, danseurs ou exécutants des divertissements dont nous avons parlé, ce dont ils étaient capables, pourrait-on dire si l’on voulait serrer le sens de plus près. Il garde même encore, occasionnellement, ce sens au XVe siècle, alors qu’existaient déjà les pièces dont nous nous occupons. Mais de « talent, ce dont on est capable » à « ce qu’on exécute, exécution », et de là à « pièce exécutée », la distance n’est pas grande et le passage est aisé ; les spécialistes de dengaku et de sarugaku l’avaient franchi dès les premières années du XVe siècle. C’est ainsi que, lorsque Seami Motokiyo, dans son Kwadensbo, parle de la formation des jeunes acteurs, il emploie des expressions telles que nô wa agaru, mi wa tomaru, nô wa sagaru, etc., qui ne peuvent s’entendre que du développement de leur « talent », de son arrêt ou de son recul. Et d’autre part, le sens de « pièce » est évident dans l’opuscule qu’il consacre à la façon de composer les nô, Nôsaku-sho.