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INTRODUCTION

modes de récitatif ou de chant rythmés par un orchestre rudimentaire ajoutaient leur cadence à celle des vers, et en ornaient ou en mesuraient le débit. Comme la tragédie antique aussi, le nô élargit rapidement son domaine, et après les dieux et les temples, il célébra les héros, mit en action la légende et l’histoire, et assouplissant sa forme, en vint bien vite à dire la simple humanité, ses douleurs et ses peines plus que ses joies. Toutefois ces quelques ressemblances ne doivent pas faire oublier les différences qui séparent ces deux genres, une surtout qui, sans doute, est capitale. Le souffle tragique traverse quelquefois les nô : il ne les anime pas. Le plus souvent l’événement tragique, lorsque le sujet en comporte, y est raconté plutôt que mis en acte ; l’intention est moins de le représenter que de le chanter. Le nô est avant tout une œuvre lyrique.

Le nô parut au commencement du xvie siècle, vraisemblablement à la cour des derniers shôgun de Kamakura, et vraisemblablement aussi sortit des écoles de dengahu[1]. Mais c’est aux xve et xvie siècles, sous les shôgun de Kyôto, les raffinés Ashikaga, et dans les écoles de sarugaku[1], qu’il donna sa mesure et brilla de son plus vif éclat. Il ne nous reste rien de sa toute première époque; le dengaku no nô, en faveur à certain moment, a laissé peu de traces. Mais le sarugaku no nô se forma à son école et sur son modèle, et il y a lieu de croire qu’il nous en a conservé une image assez fidèle.

  1. a et b Nous ne pouvons faire ici l’étude détaillée de ces genres; pour le moment, il suffit de savoir qu’il s’agit surtout de danses chantées.