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rain favorable. S’il a dépassé la mesure des critiques, c’est pour permettre à Torquatus de dépasser la mesure des éloges, et pour rétablir ainsi la vérité par une méthode de compensation et de contre-poids qui rappelle les plaidoyers du Forum plutôt que les discussions de l’Académie ou du Lycée.

« Il ne s’en faut guère que vous n’ayez effacé Epicure du rang des philosophes, » fait observer Triarius. « Si vous le trouvez bon, dit à son tour Torquatus, j’aurai quelque chose à vous répondre. — Croyez-vous donc, lui répliquai-je, que j’aurais tenu ce langage, si je n’avais eu envie de vous entendre ? — Eh bien ! aimez-vous mieux parcourir avec moi toute la doctrine d’Epicure, ou ne parler que de la seule volupté dont il est maintenant question ? — A votre choix. — Alors, je m’arrêterai sur ce seul objet, qui est de la plus haute importance[1]. » Ainsi la discussion, qui semblait vouloir s’étendre à l’ensemble du système épicurien, se restreint à la morale : — Le plaisir est-il le souverain bien, la fin suprême à laquelle doivent se rapporter toutes les fins secondaires, et vers laquelle tendent toutes les actions, sans en excepter celles même qui semblent s’en éloigner le plus ?

II
exposition et apologie de la morale d’epicure.
1° — le plaisir est la seule fin naturellement désirée.

Les sens constituent la vraie nature de l’homme : car si, par hypothèse, on ôtait de l’homme les sens, il ne resterait rien en lui. Or la nature seule peut juger de ce

  1. L. I, ch. viii.