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les tient dans de continuelles angoisses. Surtout quand ils viennent à s’apercevoir qu’ils ont travaillé inutilement pour acquérir des richesses, du pouvoir, de l’autorité et de la gloire, et que tous les plaisirs dont ils se proposaient de jouir, et qui leur ont coûté tant de peines, leur échappent sans retour, ils s’abandonnent alors à une entière désolation. On en voit d’autres d’un esprit pusillanime et étroit, qui toujours désespèrent de tout, ou qui sont méchants, envieux, difficiles à vivre, médisants, difformes ; d’autres, toujours en proie à des amours frivoles ; d’autres, turbulents, audacieux, injustes, emportés, et en même temps légers et intempérants, et dont l’esprit n’est jamais dans une même situation. De tels hommes ne cessent point de souffrir. Comme, parmi tant de fous, il n’y en a pas un qui connaisse le bonheur, il n’y a aussi aucun sage qui ne soit vraiment heureux. Et nous sommes mieux fondés que les stoïciens à le soutenir ; car il n’y a, disent-ils, de vrai bien que je ne sais quelle ombre qu’ils appellent l’honnête, nom plus beau que solide ; et ils prétendent que la vertu, avec cet appui, ne cherche aucun autre bien, et qu’elle se suffit à elle-même pour être heureuse.

CHAPITRE XIX.

LE SAGE STOÏCIEN ET LE SAGE ÉPICURIEN.

INUTILITÉ DE LA LOGIQUE STOÏCIENNE ET NÉCESSITÉ DE LA PHYSIQUE ÉPICURIENNE.

Ce n’est pas que les stoïciens ne puissent avancer une pareille