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Est-il, en effet, un homme assez ennemi du nom romain, pour refuser de lire ou la Médée d’Ennius, ou l’Antiope[1] de Pacuvius, et pour oser dire qu’il Se plaît à lire les mêmes pièces dans Euripide, mais sans pouvoir en supporter les traductions ? IL faudra donc, dira-t-il, se résoudre à lire les Synéphèbes[2] de Cécilius, ou l’Andrienne de Térence, plutôt que l’une et l’autre dans Ménandre ? Pourquoi pas ? Bien plus, quoique l’Electre soit admirable dans Sophocle, et que la traduction d’Atilius soit fort mal écrite, je ne laisse pas pourtant de la lire dans Atilius[3]. Licinius[4] dit de lui :

C’est un écrivain de fer,
Mais c’est un écrivain, et l’on devra le lire.

Ce serait avoir, en vérité, ou trop de nonchalance, ou trop de délicatesse, que de ne pas vouloir jeter les yeux sur nos poëtes.

Pour moi, je ne saurais regarder comme instruit un homme qui ignore notre littérature. Quoi ! ces vers :

Plût au ciel que les bois…[5]

ne nous plaisent pas moins dans Ennius que dans Euripide ; et nous ne voudrions pas voir enrichir notre langue des idées de Platon sur le bonheur et la vertu ? Que dis-je ? si je n’écris point en simple traducteur[6], mais qu’en exposant ce

  1. L’Antiope était une tragédie d’Euripide traduite par Pacuvius. Quelques fragments nous en restent. (V. Ribbeck, Trag. lat. reliq., p. 62.)
  2. Les Synéphèbes, ou les jeunes camarades, comédie de Ménandre traduite par Cécilius. Il nous en reste quelques fragments. (V. Ribbeck, p. 58).
  3. Atilius, vieux poëte. Un vers d’une de ses comédies est cité par Cicéron (Ad Att., xiv, 20).
  4. On ne sait quel est ce Licinius.
  5. C’est le commencement d’un vers d’Ennius :

    Utinam ne in nemore Pelio securibus
    Cæsa accidisset abiegna ad terram trabes…

    V. Cic., De Fato, c. xv ; Rhet. ad Herenn., II, xxii. Ces vers sont de la Médée d’Ennius, traduite de celle d’Euripide. V. Eurip., Med., iii.

  6. C’est ce que fait trop souvent Cicéron dans ses ouvrages philo-