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char à deux chevaux ; et cette dernière invention précéda l’attelage de quatre coursiers et l’usage des chars armés de faux. Ensuite le Carthaginois apprit au monstrueux quadrupède dont le dos porte des tours et dont la trompe se replie comme un serpent, à supporter les blessures et à répandre le trouble dans les armées. Ainsi la discorde sanguinaire inventa l’un après l’autre les moyens de destruction en ajoutant chaque jour un surcroît d’horreur à la guerre…

On nouait les vêtements avant d’en faire des tissus ; l’art du tisserand suivit la découverte du fer : c’était avec le fer seul qu’on pouvait se procurer des instruments aussi délicats que la marche, le fuseau, la navette et la lame.

La nature força les hommes à travailler la laine avant qu’ils la livrassent aux femmes, parce que les hommes sont plus industrieux et plus propres à exceller dans les arts ; mais le mâle laboureur leur en ayant fait un crime, ils abandonnèrent cette occupation aux mains des femmes, et gardèrent pour eux les travaux les plus pénibles, les exercices les plus propres à endurcir et à fortifier leurs membres. Ce fut encore la nature elle-même qui apprit aux hommes l’art de planter et de greffer, en leur montrant les graines et les glands, qui, chacun dans sa saison, produisaient sous les arbres d’où ils étaient tombés un nouvel essaim d’arbustes. Ce fut sur ce modèle qu’ils essayèrent d’insérer dans les rameaux des rejetons d’une nature différente et de planter de nouveaux arbustes dans les champs. Ils faisaient ainsi tous les jours de nouvelles tentatives sur la culture des terres, et voyaient les fruits les plus sauvages s’adoucir avec des soins et de tendres ménagements. Ils forcèrent les forêts de se reculer de plus en plus sur la cime des monts et de céder à la culture les lieux inférieurs, afin que les collines et les plaines ne fussent plus occupées que par les prairies, les lacs, les ruisseaux, les moissons et les vignobles, au milieu desquels serpentaient de longues rangées d’oliviers, dirigées dans toute l’étendue des collines, des monticules et des plaines. Ainsi nous voyons encore aujourd’hui les campagnes coupées ou bordées d’arbres fruitiers offrir à l’œil une variété agréable.

On imitait avec la voix le gazouillement des oiseaux longtemps avant que des vers harmonieux, soutenus des charmes de la mélodie, flattassent les oreilles. Le sifflement des zé-