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XXVIII
LES MONDES SONT-ILS ÉTERNELS ? ÉVOLUTION, ÉQUILIBRE ET DISSOLUTION.

Après la naissance du monde et la formation de la terre, de la mer et du soleil, le grand tout, par ses émissions, déposa un grand nombre d’atomes et de semences autour de notre monde et hors de ses limites : c’est de là que l’océan et la terre solide tirent leur accroissement ; c’est de là que le ciel emprunte la matière dont il entretient ses palais si élevés au-dessus de notre globe ; c’est enfin de là que l’air se renouvelle sans cesse. De tous les points de l’espace, ces atomes supplémentaires sont distribués par le choc aux substances analogues à leur nature : l’eau se joint à l’eau, la terre à la terre, le feu au feu, l’air à l’air, jusqu’à ce que la nature, cette ouvrière universelle, ait conduit tous les êtres à leur dernier terme ; ce qui arrive quand les restitutions se font dans la même proportion que les pertes. Alors la vie reste un moment en équilibre, et la nature met un frein à ses accroissements.

En effet, les corps que tu vois par d’heureux progrès s’élever lentement à l’état de maturité acquièrent plus qu’ils ne dissipent. Il faut convenir que nos corps font des pertes considérables ; mais ils les réparent avec usure, jusqu’au terme de leur accroissement. Alors les forces se perdent insensiblement, la vigueur s’épuise, et l’animal va toujours en déclinant. Ces émanations sont d’autant plus abondantes quand l’accroissement est parvenu à son dernier période, que les corps ont plus de masse et d’étendue. Les aliments ne se répandent plus en entier ni avec facilité dans les veines, et la nature n’est pas assez riche pour réparer les flots de matière qui s’écoulent sans cesse du corps de l’animal. Il faut donc alors que la machine périsse, étant moins dense à cause de ses émanations, et plus faible contre les attaques extérieures : car, dans la vieillesse, la nourriture vient enfin à lui manquer ; et, dans cet état d’affaissement, les objets du dehors ne cessent de la tourmenter et de la fatiguer par leurs chocs destructeurs.

Ainsi les voûtes de notre monde, assaillies de tous côtés,