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les régions inférieures, sache néanmoins, ô Memmius ! qu’ils s’écartent tous de la ligne droite dans des temps et des espaces indéterminés ; mais ces déclinaisons sont si peu de chose, qu’à peine elles en méritent le nom.

Les atomes, sans écarts, seraient tombés parallèlement dans le vide, comme les gouttes de la pluie ; jamais ils ne se seraient ni rencontrés ni heurtés, et jamais la nature n’eût rien produit.

Si l’on suppose que les corps les plus lourds, mus plus vite dans leur ligne droite, tombent sur les plus légers, et enfantent par leur choc des mouvements créateurs, on s’écarte des principes de la raison. Il est vrai que, dans l’eau ou dans l’air, les corps accélèrent leur chute à proportion de leur pesanteur, parce que les ondes et le fluide léger de l’air n’opposent pas à tous la même résistance, mais cèdent plus aisément aux plus lourds. Il n’en est pas de même du vide : jamais et en aucun endroit il ne résiste aux corps : il leur ouvre également à tous un passage. Ainsi les atomes, malgré l’inégalité de leurs masses, doivent se mouvoir avec une égale vitesse dans le vide, théâtre oisif de leur activité. Les corps les plus lourds ne peuvent donc tomber sur les plus légers, ni les heurter, ni, en changeant leurs directions, faciliter à la nature la formation des êtres.

Ainsi, je le répète, il est nécessaire que les atomes s’écartent de la ligne droite : mais n’oublie pas que cet écart doit être le moindre possible, et ne m’accuse point d’introduire dans la nature des mouvements obliques que réprouve la saine philosophie. Il est évident sans doute, et l’œil seul nous en instruit, que les corps lourds, dans leur chute, ne suivent pas une direction oblique. Mais qu’ils ne s’écartent point du tout de la ligne perpendiculaire, quel œil assez sûr osera le décider ?

XVII
LA DÉCLINAISON DES ATOMES, CONDITION DE LA LIBERTÉ CHEZ L’HOMME.

Enfin, si tous les mouvements sont enchaînés dans la nature, si un ordre nécessaire les fait naître les uns des autres, si la déclinaison des éléments ne produit pas une