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Mais, disiez-vous, Épicure prétend que la longueur du temps ne fait rien pour le bonheur, et que la volupté dont on jouit pendant quelques instants n'est pas moindre en elle-même que celle qui dure toujours.

Étrange contradiction ! Lui qui met le souverain bien dans la volupté, il nie que la volupté puisse être plus grande dans un temps infini que dans un espace de temps limité. Pour celui qui met le souverain bien dans la vertu, il est bien fondé à dire que la vie est parfaitement heureuse dès que la vie est parfaite, et qu'ainsi le temps n'ajoute rien au souverain bien. Mais celui qui croit que c'est la volupté qui rend la vie heureuse, ne peut pas dire raisonnablement la même chose : car, si la durée de la volupté n'ajoute rien à la volupté, la durée de la douleur n'ajoute rien non plus à la douleur ; et si la durée de la douleur augmente la douleur, il faut nécessairement que la durée de la volupté augmente aussi la volupté, et la rende plus désirable.

Pourquoi donc Épicure, en parlant du Dieu suprême, l'appelle-t-il toujours bienheureux et éternel ? Car si l'éternité du bonheur ne fait rien au bonheur, Jupiter n'est pas plus heureux que lui, puisqu'ils jouissent tous deux du même souverain bien, qui est la volupté. “ Mais Épicure est sujet à la douleur. ”