Page:Cicéron - Des suprêmes biens et des suprêmes maux, traduction Guyau, 1875.djvu/129

Cette page n’a pas encore été corrigée

endroit, et qu'un homme qui n'en saurait rien, et à la mort duquel vous gagneriez, voulut s'aller asseoir dessus, vous feriez mal de ne l'en pas empêcher : cependant vous auriez pu impunément ne pas l'avertir ; car qui vous aurait pu convaincre ? Mais c'est trop nous arrêter : il est clair que, si la fidélité et la justice ne partent pas de la nature même, et si au contraire on rapporte tout à sa propre utilité, il ne saurait y avoir d'homme de bien. J'ai traité assez longuement ces questions, par la bouche de Lélius, dans mes Livres de la République.

CHAPITRE XIX.

LA TEMPÉRANCE ET LE COURAGE N'ONT PAS LEUR FIN DANS LE PLAISIR.

Faites-en l'application à la modestie, à la tempérance, qui est la modération des cupidités, et qui les soumet à la raison.

Sera-ce garder suffisamment la pudeur, que de prendre sans témoin un plaisir honteux ; ou plutôt n'y a-t-il pas des choses qui sont d'elles-mêmes honteuses, quand elles ne seraient suivies d'aucune infamie ? Et les grands hommes, les hommes courageux, n'est-ce qu'après avoir compté avec les voluptés qui leur en peuvent revenir, qu'ils marchent au combat et qu'ils répandent tout leur sang pour leur patrie ? n'est-ce pas plutôt une noble ardeur, un noble enthousiasme ? Que si ce grand Torquatus, si sévère dans le commandement, avait pu nous entendre, lequel de nous deux croyez-vous qu'il aurait entendu plus volontiers, ou moi, qui disais qu'il n'a jamais regardé son propre avantage dans ce qu'il a fait, et qu'il n'a envisagé que la république ; ou vous, qui souteniez qu'il n'a rien fait que pour lui ? Si vous eussiez même osé vous