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la nature des bêtes n’ait pas été dépravée par la discipline, elle peut l’être d’elle-même.

Au reste, la nature ne porte point d’abord un enfant à la volupté, mais seulement à sa propre conservation : car, dès qu’il est né, il s’aime, et tout ce qui est de lui ; premièrement les deux parties principales dont il est composé, l’esprit et le corps, et ensuite leurs différentes parties, car il y en a sans doute de principales dans l’un et dans l’autre : et quand il vient à en avoir quelque légère connaissance, et qu’il commence à discerner, alors il se porte à ce que la nature a mis d’abord en lui, et il tâche d’éviter ce qui y est contraire.

De savoir si, dans ces premiers commencements de la nature, il y a quelque sentiment de volupté, c’est une grande question ; mais de croire que, quand cela serait, il n’y eût rien au-dessus de la volupté, et qu’elle fût préférable aux facultés de l’âme, à celles des sens, à la conservation de tout le corps, et à la santé, c’est à mon avis une très-grande folie : et voilà sur quoi roule toute la dispute des vrais biens et des vrais maux. Polémon[1], et avant lui Aristote, ont cru que les premiers biens désirés par la nature étaient ceux dont je viens de parler : et c’est ce qui a donné lieu à l’ancienne académie

  1. Polémon, disciple de Xénocrate, l’un des maîtres de Zénon (Diog. Laerc., IV, 3 ; VII, 1, 25).