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noncer les syllabes & les mots ; il n’y a que l’usage & l’accoutumance qu’il a d’entendre dire cent fois un mesme mot, lors qu’on luy en montre les Caracteres, qui les luy fassent apprendre. Mais c’est qu’on veut toûjours raisonner avec les enfans & leur montrer par regles ; ce qui ne dépend que de l’usage seul, qui est la seule raison du langage. Et si l’on veut faire attention à ce que je dis, on verra qu’on leur prononce tant de fois les syllabes & les mots tout assemblez, qu’enfin ils les retiennent, & se ressouviennent qu’à telles Lettres jointes ensemble, on a donné une telle prononciation, laquelle ils n’auroient jamais conceuë autrement, en appellant les Lettres l’une apres l’autre : C’est pourquoy il est fort inutile de leur faire perdre tant de temps & de peine par cette maniere d’appeller, au lieu qu’ils auroient bien plutost appris les Combinaisons des Lettres, que cette multitude de sons, dont on veut qu’ils composent une ou deux syllabes : ainsi on attribuë sans raison la science de lire, que les enfans acquierent à la fin, à cette maniere d’appeller les Lettres, laquelle n’est qu’un effet de l’usage qu’ils ont d’entendre prononcer souvent les syllabes & les mots entiers ; comme on croit que les regles de Despautere sont cause de la maniere correcte, dont un enfant compose en Latin, quoy qu’en composant il n’y ait pas seulement pensé, n’ayant suivy en cela