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fait prononcer quatre sons, dont il a les oreilles pleines, & on luy dit en suite, assemblez ces quatre sons, & faites-en un, sçavoir, bon ; voilà ce qu’il ne peut jamais comprendre, & il n’apprend à les assembler que parceque son Maistre fait luy-mesme cét assemblage, & luy crie cent fois aux oreilles cét unique son, bon.

De mesme, on fait appeller à ce pauvre enfant cét autre mot jamais, & on le fait en cette maniere. I-a-m-a-i-s, ja-mais. Le moyen que cét enfant s’imagine que les six sons qu’on luy a fait prononcer en appellant ces six Lettres, ne fassent que ces deux-cy, ja-mais. Car quand on appelle les Lettres de ce mot, on prononce separément j-a-ême-e-a-i-êsse. Voilà six ou sept sons dont on pretend qu’il doit former ces deux-cy ja-mais ; n’aurait-on pas plutost fait de ne luy prononcer que ces deux syllabes ja-mais, & non toutes ces Consonnes & Voyelles separément ? Ce qui ne fait que de broüiller son esprit par cette multitude de sons differents, dont il ne peut jamais faire l’assemblage que vous voulez qu’il fasse, si vous ne le faites vous-mesme & ne le prononcez plusieurs fois à ses oreilles. Il faut dire le mesme d’une infinité de mots plus difficiles, aimoient, faisoient, disoient, &c.

D’ailleurs qu’on fasse appeller tant qu’on voudra à un enfant ses Lettres, ce ne sera jamais par ce moyen qu’il apprendra à pro-