Page:Cicéron - Billets que Ciceron a escrit tant à ses amis communs qu'à Attique son amy particulier, 1668.pdf/16

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fans apprissent à lire en peu de temps & avec plaisir, où au moins sans une extreme peine ; en commençant à les faire lire en Latin, qui est une Langue qu’ils ne connoissent aucunement, & dont ils n’entendent jamais parler (car cela leur serviroit beaucoup, au moins pour la prononciation) que lors qu’on les en instruit ? N’est-il pas plus naturel de se servir de ce qu’ils sçavent déja, pour leur enseigner ce qu’ils ne sçavent pas ? puis que la definition mesme de la Methode d’enseigner, nous montre à en user de la sorte. Car les Logiciens ne la mettent au nombre des instruments de Science, que parce qu’elle est une certaine maniere de conduire les pensées de nostre esprit, selon laquelle, ce que nous connoissons déja, nous sert à apprendre ce que nous ignorons, Oratio ex noto aperiens ignotun. Or les enfans sçavent déja le François, dont ils connoissent une infinité de mots ; pourquoy donc ne leur pas faire apprendre à lire premierement en François, puis que cette methode seroit beaucoup plus courte & moins penible ? car ils n’auroient qu’à retenir les figures des Lettres, & leurs combinaisons ou assemblages ; en quoy la memoire des choses & des mots qu’ils sçavent déja, avec ce qu’ils entendent dire continuellement dans le commerce du monde, les aideroit peu à peu à s’en ressouvenir : au lieu qu’en Latin, ils ne sont aidez de quoy