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CICÉRON

contentement, ne le cherchons point ailleurs.

XXIV. Mais sans nous arrêter à de simples raisonnements, tâchons de rendre la chose, pour ainsi dire, palpable. Imaginons-nous un homme qui excelle dans les beaux-arts. Premièrement donnons-lui beaucoup d’esprit : caria vertu n’est guère le partage des génies médiocres. Ensuite, supposons (jue son esprit se porte avec ardeur à la recherche de la vérité. De lu naîtront ces trois avantages essentiels. L’un, la connaissance des mystères de la nature. L’autre, l’art de discerner ce que nous devons fuir ou rechercher. Et le troisième, une méthode certaine pour juger si une conséquence est bien ou mal tirée, et pour s’assurer qu’on raisonne juste. Qu’il est attrayant pour un sage, de passer ainsi ses jours et ses nuits ; de contempler les mouvements et les conversions du ciel ; d’y apercevoir un nombre infini d’étoiles fixes, dont la marche s’accorde avec celle de la voûte céleste ; de les distinguer des sept autres astres toujours errants, et dont néanmoins la course est si réglée et si certaine ; de pouvoir enfin marquer les différences qui sont entre ces astres, et de supputer quelles sont leurs distances, soit à leur égard, soit par rapport à nous ! Par ces découvertes, les anciens furent excités à pousser leurs recherches encore plus loin. Ils ont examiné comment se forment et s’accroissent toutes choses : quelle est l’origine, et quelles sont les différentes espèces des êtres animés ou inanimés, muets ou parlants ; quelles sont les sources tant de la vie et de la mort que de la transmutation d’une chose en une autre. Ils ont fait des observations sur l’équilibre de la terre ; sur ce qui tient comme suspendus les gouffres immenses de la mer ; sur le centre de gravité ou tendent toutes choses, centre qui est au milieu de l’univers, et au point le plus bas de notre sphère.

XXV. Un esprit qui s’occupe nuit et jour de semblables méditations, parvient à cette connaissance si recommandée par l’oracle de Delphes ; je veux dire à la connaissance de soi-même, et de son affinité avec l’esprit divin. De là, une joie toujours renaissante. Cette seule idée, qu’il participe à l’excellence de la nature, des Dieux, lui inspire le désir d’atteindre à leur éternité. De sorte qu’il ne se croit point borné à ce peu de jours que nous vivons : considérant qu’à remonter de cause en cause, il se trouve que tout est lié nécessairement l’un à l’autre, tout réglé par une intelligence, de tout temps et pour toujours. Quand le sage a fait ces réflexions, ou plutôt quand il a porté ses regards sur toutes les parties de l’univers, avec quelle tranquillité d’âme ne se retourne-t-il pas sur lui-même, et n’envisage-t-il pas ce qui le touche de plus près ? Alors il comprend ce que c’est que la vertu : il en distingue les genres, et les espèces : il reconnaît quels sont les vrais biens et les vrais maux : il fixe l’objet de nos devoirs, et donne des règles pour se conduire dans tous les âges. Tout cela étant bien développé, il en conclut infailliblement ce qui est le but de notre dispute, que la vertu n’a besoin que d’elle-même pour nous rendre heureux. Vient, en troisième lieu, l’art et la science de raisonner, qui définit les choses, distingue les genres de chacune, joint celles qui sont connexes, tire des conclusions justes, discerne le vrai du