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d’un Atilius Calatinus. C’est ce dernier qui mérita cet éloge unique : « Les nations s’ac¬cordent à le proclamer le premier citoyen de Rome. » Vous connaissez cette inscription, elle est gravée sur son monument. C’était certes un homme d’une grande autorité, que celui dont tous les peuples faisaient un tel éloge. Que dirons-nous de P. Crassus, le grand pontife ; de M. Lépidus, qui fut revêtu du même sacerdoce ? Quels hommes ! quelle dignité ! Et Paul-Émile, et l’Africain, et Maximus que je vous ai déjà cité, avaient-ils besoin de parler pour donner la loi dans Rome ? un geste ne leur suffisait-il pas ? Un vieillard, surtout quand il a passé par les honneurs, a tant d’autorité, que tous les plaisirs de la jeunesse sont peu de chose en comparaison.

XVIII. Mais souvenez-vous que la vieillesse dont je fais ici l’éloge est celle qui est préparée par les vertus de la jeunesse. C’est ainsi que j’ai pu dire autrefois, aux grands applaudissements de tous ceux qui m’entendaient, qu’un vieillard est bien misérable quand il se croit réduit à se défendre par des paroles. Ni les cheveux blancs ni les rides ne donnent tout à coup de la considération à un homme : c’est une vie entière honorablement écoulée qui peut seule recueillir sur son déclin ce doux fruit de la vénération publique. Ce sont des marques de déférence fort précieuses pour nous, quoique bien légères aux yeux du monde, que de nous saluer, de venir au-devant de nous, de nous céder la place, de se lever en notre présence, de nous accompagner, de nous reconduire, de nous consulter ; tous ces respects sont rendus très-religieusement aux vieillards dans notre république, et chez tous les peuples où les mœurs sont bien réglées. Lysandre, dont je parlais tout à l’heure, disait souvent que Lacédémone était le séjour le plus honorable pour la vieillesse ; nulle part en effet on ne témoigne plus de respect à cet âge, nulle part la vieillesse n’est en plus grande vénération. On rapporte qu’à Athènes, pendant les jeux publics un vieillard vint au théâtre, que la foule avait déjà rempli, et ne put trouver aucune place parmi ses concitoyens ; mais que s’étant approché des députés lacédémoniens qui siégeaient en cette qualité sur des gradins à part, tous se levèrent et lui firent place. L’assemblée tout entière battit des mains. « Il paraît, dit alors l’un des envoyés, que les Athéniens savent ce qu’il faut faire, mais qu’ils n’en font pas davantage. » On trouve consacrés dans notre collège beaucoup d’usages excellents ; mais le plus remarquable et qui a trait à notre sujet, c’est que les plus âgés y donnent leur opinion les premiers ; et ce n’est pas seulement sur ceux qui ont de plus grandes dignités que l’âge donne la préséance aux augures, mais sur ceux mêmes qui sont revêtus du pouvoir. Quelles sont donc les voluptés du corps que l’on puisse comparer à ces prérogatives de la vieillesse ? Ceux qui en ont joui avec éclat me semblent avoir mené jusqu’au bout avec le plus grand succès la pièce de la vie, et n’avoir pas fait comme les mauvais acteurs une chute honteuse au dernier acte. Mais les vieillards sont moroses, chagrins, colères, difficiles. Cherchez encore, vous trouverez qu’ils sont avares Ne voyez-vous pas que ce sont là les défauts du caractère et non de la vieillesse ? Encore ces défauts peuvent-ils sinon se justifier, du moins s’expliquer. Ceux à qui on les reproche se croient méprisés, dédaignés,