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II. SCIPION. Bien souvent, Caton, nous vous admirons, moi et Lélius, de déployer en tout une haute et admirable sagesse, et surtout de ne montrer jamais que la vieillesse vous soit à charge ; elle, si odieuse à la plupart des vieillards, qu’ils en trouvent, à leur dire, le fardeau plus dur que celui de l’Etna. — CATON. Vous admirez là, Scipion et Lélius, un mérite qui certes ne me coûte pas beaucoup. Tous les âges sont insupportables à ceux qui ne trouvent en eux-mêmes aucune ressource pour orner et remplir leur existence ; mais pour qui sait trouver en soi tous ses biens, les diverses conditions de notre nature où le cours des choses nous amène ne sont jamais des maux. Telle est en première ligne la vieillesse, que tous souhaitent d’atteindre et qu’ils accusent dès qu’ils y sont parvenus, tellement est inconstante et inique l’humeur insensée des hommes ! Ah ! disent-ils, la vieillesse est arrivée plus vite que nous n’avions compté : mais d’abord, qui les a forcés à mal compter ? Est-ce que la vieillesse remplace la fleur de l’âge plus vite que celle-ci ne succède à l’enfance ? Ensuite comment la vieillesse leur serait-elle moins insupportable à l’âge de huit cents ans, par exemple, qu’à celui de quatre-vingts ? Le passé, quelque long qu’il soit, une fois écoulé, ne peut donner aucune consolation à des sots vieillis. Si vous admirez ma sagesse ( et plût aux dieux qu’elle fût digne de l’estime que vous en faites et du surnom que l’on me donne ! ), je vous dirai qu’elle consiste tout entière à tenir la nature pour le meilleur des guides, à la suivre et à lui obéir comme à un Dieu. Il n’est pas vraisemblable qu’après avoir si bien disposé les autres âges de la vie, elle en ait, comme un mauvais poète, négligé le dernier acte. Il fallait bien qu’il y eût un terme, et que la vie, mûrie comme le fruit de l’arbre ou le grain de la terre, s’amollit et se courbât sous le poids du temps. Cette nécessité doit être douce au sage. Faire comme les géants la guerre aux Dieux, qu’est-ce autre chose, si ce n’est s’irriter contre les lois de la nature ? — LELIUS. Vous ne pourriez, Caton, nous rien faire de plus agréable à Scipion et à moi, car je parle pour tous deux, que de nous apprendre ainsi d’avance, à nous qui avons le désir et le ferme espoir de parvenir à la vieillesse, comment nous pourrons le plus facilement supporter le fardeau de cet âge. — CATON. Je le ferai volontiers, Lélius, surtout si, comme vous le dites, ce vous est une chose agréable à tous deux. — LELIUS. Nous souhaitons certainement, Caton, à moins que ce ne soit une peine pour vous, qu’après avoir parcouru cette longue route où nous sommes engagés à notre tour, vous nous fassiez connaître le terme où vous êtes arrivé.

III. CATON. Je le ferai, je l’essaierai du moins, Lélius. J’ai souvent entendu les plaintes de mes contemporains ( car on se trouve volontiers dans la société des gens de son âge ), j’ai entendu C. Salinator, Sp. Albinus, tous deux