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TUSCULANES, LIV. IV.

sentiments. Ajoutons que c’est aussi dans les biens, et non dans les maux seulement, qu’il se trouve de la ressemblance entre l’âme et le corps. L’âme a sa beauté, sa force, sa santé, sa vigueur, son agilité, ni plus ni moins que le corps. Ce qui fait qu’un corps est sain, c’est un juste mélange de ses humeurs ; et ce qui fait la santé de l’âme, c’est le parfait accord de ses jugements et de ses opinions avec le bon sens. Voilà en quoi consiste sa vertu, que les uns confondent avec la modération, et que d’autres disent être un effet de la modération, une conformité à ses préceptes, qui n’a sous elle aucune espèce. Quoi qu’il en soit, tout le monde convient qu’elle n’appartient qu’au sage. On ne laisse pourtant pas de dire qu’un fou a recouvré la santé, niais santé qui n’est telle qu’à certains égards, lorsque d’habiles médecins l’ont guéri d’une passion. Et comme une exacte proportion des membres, jointe à un beau coloris, est ce qui fait la beauté du corps, de même ce qui fait la beauté de l’âme, c’est la justesse de ses jugements, mais une justesse éclairée, qui porte sur des principes inébranlables, et qui marche toujours à la suite de la vertu, si elle n’est l’essence même de la vertu. Force et vigueur se disent de l’âme comme du corps, et dans le même sens. On dit aussi l’agilité de l’âme, comme celle du corps, pour marquer la facilité qu’elle a de parcourir en un instant une infinité d’objets. XIV. Mais en quoi l’âme et le corps ne se ressemblent pas, c’est qu’il peut nous arriver des maladies corporelles, sans qu’il y ait de notre faute ; au lieu que nous sommes toujours coupables de nos maladies spirituelles. Car les passions, qui sont les maladies de l’âme, ne viennent que de notre révolte contre la raison. Et cela est si vrai, que l’homme seul y est sujet. Car les brutes n’en sont point susceptibles’, quoiqu’il y ait quelque ressemblance entre passion et ce qu’elles font. II y a d’ailleurs une grande différence entre les âmes grossières et celles qui ne le sont pas. Celles-ci, semblables à l’airain de Corinthe, qui a de la peine à se rouiller, ne deviennent que difficilement malades, et se rétablissent fort vite. Il n’en est pas de même des âmes grossières. Et de plus, celles qui sont d’un caractère excellent ne tombent pas en toute sorte de maladies. Rien de ce qui est férocité, cruauté, ne les attaquera. Il faut, pour trouver prise sur elles, que ce soit de ces passions qui paraissent tenir à l’humanité ; telles que la tristesse, la crainte, la pitié. Une autre réflexion encore, c’est qu’il est moins aisé de guérir radicalement une passion que d’extirper ces vices du premier ordre, qui combattent de front la vertu. Il faut plus de temps pour l’un que pour l’autre. On peut s’être défait de ses vices, et conserver des passions. Tel est le détail où les Stoïciens entrent sur ce sujet. Puisque heureusement nous voilà échappés de ces écueils, continuons notre course : pourvu, cependant, que je me sois rendu intelligible, autant que la matière pouvait le permettre. L’a. Rien de mieux débrouillé. Une autre fois, si j’ai besoin d’un plus ample éclaircissement sur quelque article, nous y reviendrons. Voguez donc maintenant à pleines voiles, comme vous disiez tantôt.

XV. C. J’ai déjà parlé de la vertu en beaucoup d’occasions, et j’aurai encore souvent à en par-