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TUSCULANES, LIV. IV.

une colère soudaine, et qui ne fait que de s’allumer : la haine, une colère invétérée : l’inimitié, une colère qui épie l’occasion de se venger : la discorde, une colère aigre, et qui séjourne au fond du cœur : Y avidité, une cupidité insatiable : et le désir, une forte envie de voir quelqu’un dont on attend l’arrivée. Toutes les passions, ajoutent les Stoïciens, ont leur source dans l’intempérance, qui est une révolte générale contre la raison, et un tel mépris de ses conseils, que l’homme intempérant ne connaît ni règle ni borne dans ce qu’il veut. Au lieu que la tempérance calme nos mouvements intérieurs, les soumet à l’empire de la raison, et nous laisse maîtres de réfléchir mûrement : l’intempérance, sou ennemie, renverse, agite, enflamme notre âme, et y donne entrée aux chagrins, à la terreur, à toutes les autres passions.

X. Quand le sang est corrompu, quand la bile ou la pituite dominent, le corps devient malade : et de même, lorsqu’on se livre à des idées fausses, lorsqu’on n’a point de principes constants, la santé de l’âme est ruinée par des maladies qui sont, ou des inclinations vicieuses, ou des aversions blâmables. Ici les Stoïciens, et surtout Chrysippe, sont trop longs a expliquer les rapports qu’il y a entre les infirmités de l’âme, et celles du corps. Je n’entrerai point dans un détail superflu. Allons au but, et souvenons-n uis bien de ce principe, qu’un amas de fausses idées, qui s’entre-choquent dans nos esprits, y met tout en désordre, tout en feu ; qu’insensiblement ce tour, billon de flammes vient en quelque façon à pénétrer jusque dans nos veines, jusque dans la moelle de nos os ; et que c’est là ce qui engendre ces diverses maladies, qui sont, comme j’ai dit ou de mauvaises inclinations, ou de mauvaises aversions.

XI. On peut métaphysiquement les distinguer : mais réellement, non. Car d’un côté, si nous examinons ce qui forme les inclinations vicieuses, nous trouverons que c’est la cupidité et la joie. Vous désirez de l’argent ; c’est une cupidité qui bientôt aura fait de grands ravages dans vous, à moins que vous ne vous hâtiez de consulter la raison, et de vous guérir avec une recette Socratique. Autrement ce devient une maladie incurable, que l’on nomme avarice. Raisonnons ainsi, et de l’ambition, et de l’amour déréglé des femmes, et absolument de tout autre penchant, qui est une maladie de l’âme ; car la source est toujours la même. D’un autre côté, c’est la crainte qui fait naître en nous les aversions opposées à ces penchants. Par exemple, la haine des femmes, telle qu’on la voit dans le Misogyne d’Attilius ; la haine du genre humain, telle qu’on l’attribue à Timon le misanthrope ; l’éloignement pour les devoirs de l’hospitalité. Toutes ces aversions, qui sont aussi des maladies de l’âme, viennent d’une certaine crainte qu’on a des choses qui en sont les objets. Qu’est-ce que ces mauvaises inclinations ? Une manière de penser, bien décidée,