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LIVRE SECOND.

I. Atticus. Mais comme nous nous sommes assez promenés, et que d’ailleurs vous allez commençer quelque chose de nouveau, voulez-vous que nous changions de place, et que dans l’île qui est sur le Fibrène, car c’est, je pense, le nom de cette autre rivière, nous allions nous asseoir pour nous occuper du reste de la discussion ? — Marcus. Volontiers : c’est un lieu où je me plais, quand je veux méditer, lire, ou écrire quelque chose. — Att. Moi, qui viens ici pour la première fois, je ne puis me rassasier : j’y prends en mépris ces magnifiques maisons de campagne, et leurs pavés de marbre, et leurs riches lambris. Qui ne rirait pas de ces filets d’eau qu’ils appellent des Mis et des Euripes, en voyant ce que je vois ? Tout à l’heure, dissertant sur le droit et la loi, vous rapportiez tout à la nature : eh bien ! jusque dans les choses qui sont faites pour le repos et le divertissement de l’esprit, la nature domine eucore. Je m’étonnais auparavant (car dans ces lieux je n’imaginais que rochers et montagnes, trompé par vos discours et par vos vers), je m’étonnais que ce séjour vous plut si fort : mais a présent je m’étonne que lorsque vous vous éloignez de Rome, vous puissiez être ailleurs de préférence. — Marc. C’est lorsque j’ai la liberté de m’absenter plusieurs jours, surtout dans cette saison de l’année, que je viens chercher l’air pur et les charmes de ce lieu : il est vrai que je le puis rarement. Mais j’ai encore une autre raison de m’y plaire, qui ne vous touche point comme moi. — Att. Et quelle est-elle ? — Marc. C’est qu’a proprement parler, c’est ici ma vraie patrie, et celle de mon frère Quintus. C’est ici que nous sommes nés d’une très-ancienne famille ; ici sont nos sacrifices, nos parents, de nombreux monuments de nos aïeux. Que vous dirai-je ? vous voyez cette maison, et ce qu’elle est aujourd’hui ; elle a été ainsi agrandie par les soins de notre père. Il était d’une santé faible, et c’est là qu’il a passé dans l’étude des lettres presque toute sa vie. Enfin, sachez que c’est en ce même lieu, mais du vivant de mon aïeul, du temps que, selon les anciennes mœurs, la maison était petite comme celle de Curius, dans le pays des Sabins ; oui, c’est en ce lieu que je suis né. Aussi je ne sais quel charme s’y trouve qui touche mon cœur et mes sens, et me rend peut-être ce séjour encore plus agréable. Eh, ne nous dit-on pas que le plus sage des hommes, pour revoir son Ithaque, refusa l’immortalité ?

II. Att. C’est, je le sens, une bonne raison pour vous de venir ici plus volontiers, et d’avoir une prédilection pour ce lieu. Moi-même, je dis vrai, depuis un moment j’aime encore davantage cette maison et toute cette campagne qui vous a vu naître. Je ne sais comment, mais nous sommes émus de l’aspect des lieux où se voient les traces de ceux que nous aimons ou que nous admirons. Tenez, pour moi, Athènes, ma chère Athènes me plaît moins par ses magnifiques monuments et ses antiques chefs-d’œuvre des arts, que par le souvenir des grands hommes ; le lieu que chacun d’eux habitait, la place ou il s’asseyait, celle où il aimait à discourir, je contemple tout avec intérêt, tout, jusqu’à leurs tombeaux. Aussi, croyez-moi, ce lieu où vous êtes me sera désormais plus cher. — Marc. Alors je suis bien aise de vous l’avoir montré ; c’est presque mon berceau. — Att. Et moi plus aise encore de l’avoir


LIBER SECUNDUS.

I. Atticus. Soi visne qnoniam et salis jam ambulalum est, et tibi alioddicendi initium sumendnm est, locum mulemns, et in insula, quæ est in Fibreno (nam opinor illi alleri flumini nomen esse), sermoni reliquo demus operam sedentes ? Marcus. Sane quidem : nam illo loco libentissime soleo uti, sive qaid mecum ipse cogito, sive quid aut scribo, aut lego. — Att. Eqnidem, qui nunc primum hue venerim, satiari non queo ; magnificasque vulas, et pavimenta marmorea,et laqueata tecta contemno. Ductus vero aquaram, quos isti Nilos et Euripos vacant, quis non, quem hæc videat, irriserit ? Itaque, ut tu, paullo ante de lege et jure disserens, ad naturam referebas onmia : sic in his ipsis rebus, quæ ad requietem animi detectationemque quxranlor, natura dominaiur. Quare antea mirabar (nihil enim liis in lo< is ma saxa et montes cogitabam ; tdque ot tacerem, et orationibus indncebar tnis, etversibns, sed mirabar, ut <lii, te lam vaîde hoc loeo delectari : mine contra mi : or, te, quum Roma absis, usquam potins esse. — Marc. Ego vero, quum licct plures dies abesse, præsertim hoc tempore anni, et amœnitatem han, et salubritatem sequor ; raro autem licet. Sed niminun me alia quoque causa delectat, quae te non attingit ita. — Att. Quæ tandem isla causa est ? Marc. Quia, si verum dicimus, Ii.tc est niea et hujus fratris mei germana patria : hinc enim orti stirpe antiquissima sumns ; hic sacra, hic gémis, hic majorant nmita vestigia. Quid pluia ? liane vides villam, ut nunc quidem est, latius ædificatam patris nostri studio ; qui, quum esset infirma valitudine, hic fere ætatem egit in litteris. Sed hoc ipso in loco, quum avus viveret, et antiquo more parva esset villa, ut illa Curiana in Sabinis, me scito esse natum. Quare inest nescio quid, et latet in animo ac sensu meo, quo me plus hic loeus fortasse delectet : siquidem etiam ille sapientissimus vir, Ithacam ut videret, immortalitatem scribitur repudiasse.

II. Att. Ego vero tihi islam justam causam puto, anime lihentius veinas, alque hune locum diligas. Quin ipse, vere dicam,sum illi vilhc amieior modo factus, atquehuic omni solo, in quo tu orlus et procreatus es. Movcmur enim nescio quo pacto locis ipsis, in quihuseorum, quos diligimus aut admiramur, adsunt vestigia. Me quidem ipsa : illæ nostræ Athenœ non tam operibus magnifias exquisilisque antiquorum ai tihus délectant, qnam reeordatione summorum virorum, uhi quisque hahitare, ubi sedere, uhi disputaresit solitus ; studioseque corum etiam sepulcra contemplor. Quare istum, uhi tu es natus, plus amabo postliac locum. — Marc. Gaudeo igitur, me incu-