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CICÉRON.

Je ne pense pas que le sage puisse être exempt de passions. C. Vous avouâtes cependant hier qu’il pouvait se mettre au-dessus du chagrin. Peut-être fut-ce complaisance de votre part. L’a. Point du tout : je me rendis a la force de vos raisons. C. Vous croyez donc vraiment que le chagrin ne peut rien sur le sage ? L’a. J’en suis convaincu. C. Si le chagrin ne peut le troubler, nulle autre passion ne le pourra. Car enfin, serait-ce la crainte ? Mais le mal absent, qui fait la crainte, aurait-il plus de pouvoir que le mal présent, qui l’ait le chagrin ? En supprimant le chagrin . nous supprimez la crainte. Il ne reste donc plus que deux passions, qui sont la joie folle, et la cupidité. Donc, si celles-ci n’ont point d’empire sur le sage, rien ne trouble la tranquillité de son âme. L’a. Je l’avoue. C. Hé bien, choisissez. Voguerons-nous d’abord à pleines voiles, ou commencerons-nous par ramer, comme on fait en sortant du port ? L’a. Je ne conçois pas bien ce que vous entendez par là.

V. C. Je veux dire que Chrysippe et les Stoïciens, en traitant des passions, sont très-longs à les définir, a les diviser ; mais très-courts sur les moyens de s’en garantir. Que les Péripatéticiens, au contraire, s’étendent fort sur les moyens de calmer les passions ; mais ne touchent point à toutes ces divisions, à toutes ces définitions, qui n’ont rien que d’épineux. Je vous demandais donc si j’entrerais en matière à voiles déployées ; ou si d’abord, avec les rames de la dialectique, je tâcherais d’avancer peu à peu. L’a. Je crois que pour mettre la matière dans un grand jour, il sera bon de réunir ces deux méthodes, en commençant par la dernière. C. C’est aussi mon sentiment. Et au cas que vous trouviez quelque chose d’obscur, vous y reviendrez. L’a. D’accord. Je suis pourtant bien sûr, que dans ces sortes d’obscurités, vous serez, à votre ordinaire, plus clair que ne le sont les Grecs. C. J’y tâcherai. Mais appliquez-vous : car vous risquez de tout perdre, si vous perdez un mot. Pour expliquer ce qu’on appelle passion, je commence par supposer avec Pythagore et avec Platon, que notre âme se divise en deux parties, l’une raisonnable, et l’autre qui ne l’est point. Il règne dans la première, selon eux, un calme parfait, une paisible et douce égalité : dans l’autre il s’élève d’impétueux mouvements, ou de colère, ou de cupidité, qui attaquent la raison. Je pars de ce principe. Mais, pour définir les passions, et pour en marquer les différentes espèces, je suivrai les Stoïciens, qui sont, de tous les philosophes, ceux qui ont ici montré le plus de pénétration.

VI. Zénon définit toute passion, Un mouvement de l’âme, opposé à la droite raison, et contraire à la nature. D’autres, en moins de mots, Un appétit trop violent, c’est-à-dire, qui éloigne trop notre âme de cette égalité où la nature la voudrait toujours. Et comme il y a, dans l’opinion des hommes, deux sortes de biens, et deux sortes de maux, les Stoïciens divisent les passions en quatre genres : deux, qui regardent les biens ; deux, qui regardent les maux. Par rapport aux biens, la Cupidité et la Joie : la cupidité, qui a pour objet le bien futur ; la joie, qui a pour objet le bien présent. Par rapport aux maux, la Tristesse et la Crainte : la tristesse, qui a pour objet les maux présents ; la crainte, qui a pour objet les maux futurs. Premiè

si quis vult, qua de re disputai i velit. A. Non mihi videtur omni animi perturbatione sapiens vacare. M. Ægritudine quidem, hesterna disputatione, videbatur : nisi forte temporis causa assentiebare. A. Minime vero : i mihi eg i oralio tua. M. Non igitur, l. Prorsus ri tror. - 1 /. Atqui, si ista perturbai e animum sat, nulla poteril. Quid enim ? metusne arbetPAtearnm rerum nlium metus, quarum im est a : sublata igilur segritudine, sublatu- est met stantduœ perlurbationes, Laetitia • : :-, et libido : quae si non cadent in sapientem, sem- : tranquillasapientis. A. Sic prorsus inteliigo. .7. Ulrum i.itiii mavis ? statimne nos vêla Eacere ? an pauluium remigare ? A. Quid-nam e-l istnd ? non enim inteliigo.

V. M. Quia Chrysippns et Stoici.cum de animi perturbalionibus disputant, magnam partem in hi> partiend definieadis <>< cupati sont : illa eorum perexigua oratio est, qua medeantur animis, nec eos turbulentos esse patiantur. Peripatetici autem ad placandos animos niulia affermit : Bpinas partiendi, et definiendi pratermilteat. Quaam igitur, ulrum panderem vêla orationis siatim, an minium dialecticorura remis pi opellerem. A. Isto modo vero : eril enim lioc totum, quod quairo, ex utroque perfectius. M. Est id quidem rectius : sed post requires, si quid fuerit obscurius. A. Faciam equidem : lu lamen, ut soles, dicesista ipsa obscura planius, qnam du untur a Graecis. M. Enitar equidem : sed intentoopus est animo, ne omnia dilabantur, si unum aliqnod effugerit. Quoniam, quœ Graeci t.ôSï-/ vocant, nobis perturbationes appellari magis placet, quam morbos ; in lus explicandi 8 veteremiHam eiiuidem Pytbagorae primum, dein Platonis, descriptionem sequar : qui animum in duas pardi vidunt ; alteram rationis participera faciunt, altérant expertem : in participe rationis ponunt tranquilliiatem, i.l est, placidam quietamque constantiam : in illa altéra motus tni bidos iiiin ii a ;, tu m cupidilatis, contrarios inique i itioni. Sil igitur hic fons. Utamur tamen, in hi> perturbationibus describendis, Stoicorum detinitionibus et partitionibns ; qui mihi videntur in hac quaestione versari acntissime.

VI. Est igitur Zenonis linec definitio, ut perturbatio sil, quod nàflo ; ille dicit, aversa a recta ratione, contra natui, animi commotio. Quidam lirevius, perturba lionem appetitum vebementîorem ; sed vehementiorem eum volunl esse, qui longius discesserit a naturfe Constantin. Partes autem perturhationum volunl ex duobus opinatis bonis nasci, et ex duobus opinatis malis ; ita esse quatluor. Ex bonis libidinem et lœtitiam ; ut sit latitia, præsentiam