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CICÉRON.

pâturages étendus et fertiles qui composaient un domaine royal, et qui étaient cultivés aux frais de la nation, pour que les rois ne fussent distraits par aucun intérêt privé des soins qu’ils devaient à leurs peuples. Nul particulier n’était juge ni arbitre des contestations ; tout se décidait par le jugement des rois. Numa surtout me paraît avoir observé cet ancien usage des rois de la Grèce ; les autres, tout en s’acquittant de cette fonction royale, étaient le plus souvent occupés à combattre, et s’intéressaient d’abord au droit de la guerre. Cette longue paix de Numa fut pour Rome la mère de la justice et de la religion ; ce roi fut aussi un législateur, et vous savez que ses lois existent encore. Ce génie du législateur doit distinguer surtout le grand citoyen dont nous voulons tracer ici le modèle……

III. Un bon père de famille ne doit pas être étranger à l’agriculture, à l’art de bâtir, au calcul ; il faudra qu’il mette la main à l’œuvre…… Nonius, ix, 5…… Scipion : Trouveriez-vous mauvais qu’un fermier connût la nature des plantes et des semences ? Manilius. Nullement, pourvu que son ouvrage n’en souffrit point. — Scipion. Mais pensez-vous que ce soit là l’occupation naturelle d’un fermier ? — Mantlius : Il s’en faut de beaucoup ; car la culture des terres pourrait fort souvent languir. — Scipion. Eh bien ! de même que le fermier étudie le sol et ses propriétés, de même qu’un intendant est versé dans les lettres, et que l’un et l’autre descendent des douces spéculations de la science aux travaux effectifs de la pratique, ainsi notre grand politique connaîtra le droit et la loi écrite ; il remontera aux sources de l’un et de l’autre ; mais il ne s’embarrassera point dans un labyrinthe de consultations, de lectures, de mémoires, qui l’enlèveraient à l’administration de la république et l’empêcheraient d’en être en quelque sorte le fermier. Il approfondira ce droit suprême et naturel, hors duquel il n’y a plus de justice ; il abordera la science du droit civil, mais comme le pilote aborde l’astronomie et le médecin la physique : chacun d’eux emprunte à la science des lumières pour son art, mais il subordonne tout à la pratique. Le politique prendra garde……

IV. Dans ces États, les citoyens recherchent l’estime et la gloire, ils fuient la honte et l’opprobre. La crainte des châtiments, les menaces de la loi ont moins d’empire sur eux que ce sentiment d’honneur gravé par la nature dans le cœur de l’homme, et qui lui fait redouter tout blâme légitime. Le grand politique cherche à fortifier ce sentiment par l’opinion publique, à le rendre parfait par le secours des institutions et des mœurs ; dans l’État qu’il fonde l’honneur doit être un frein plus puissant que la crainte. Tout ce que nous disons ici se rapporte à la gloire, et c’est un sujet fort riche que nous sommes loin d’avoir épuisé.

V. Quant à la vie privée et au bonheur domestique, toutes les institutions, mariages, familles, culte des Lares et Pénates, sont réglées de telle sorte dans cette cité que chacun participe aux avantages publics et jouit de ses propres biens, et qu’il est évident que le vrai bonheur ne se rencontre que dans un État social parfaitement établi, et que rien n’est comparable à la félicité d’une république bien constituée. Je ne puis donc trop m’étonner……

VI. Je médite continuellement sur le caractère