Page:Cicéron - Œuvres complètes Nisard 1864 tome 4.djvu/343

Cette page n’a pas encore été corrigée

Et il ne peut y en avoir de plus juste. Qu’était devenue la république d’Athènes, je vous le demande, lorsqu’après cette grande guerre du Péloponnèse, elle fut soumise au pouvoir odieux des trente tyrans ? L’ancienne gloire de la cité, les rares beautés de la ville, le théâtre, les gymnases, les portiques, les propylées si fameux, la citadelle, les admirables œuvres de Phidias, le port magnifique du Pirée, composaient-ils une république ? — Nullement, dit Lélius, puisque le peuple était asservi, et n’avait de droits sur rien. — Scipion. Et quand nos décemvirs nommés sans appel, conservèrent le pouvoir pendant cette troisième année où la liberté perdit jusqu’à son dernier privilège ? — Lélius. Il n’y avait plus de république, elle peuple alors s’arma pour reconquérir ses titres.

XXXIII. Je viens maintenant à cette troisième forme de gouvernement où nous trouverons peut-être quelques difficultés. Lorsque le peuple est le maître et dispose de tout en souverain, lorsque la multitude envoie à la mort qui elle veut, lorsqu’elle poursuit, dépouille, amasse, dissipe à son gré, pourriez-vous nier, Lélius, que ce ne soit là une république, puisque tout appartient au peuple, et que la république est, selon nous, la chose du peuple ? — Lélius. Il n’est pas d’État à qui je refuse plus péremptoirement le nom de république, qu’à celui où la multitude est la souveraine maîtresse. Si nous avons pu déclarer qu’il n’y avait pas de république à Syracuse, à Agrigente, à Athènes, sous la domination des tyrans, et à Rome sous celle des décemvirs, je ne vois pas comment il serait permis d’en reconnaître sous le despotisme de la multitude. D’abord, Scipion, je n’appelle peuple, suivant votre excellente définition, qu’une société dont tous les membres participent à des droits communs ; mais l’empire de la foule n’est pas moins tyrannique que celui d’un seul homme ; et cette tyrannie est d’autant plus cruelle qu’il n’est pas de monstre plus terrible que cette bête féroce qui prend l’apparence et le nom du peuple. Or, il ne convient pas, lorsque les lois interdisent les furieux……(LACUNE)

XXXIV. On peut appliquer à l’aristocratie ce que nous venons de dire de la royauté, et prouver qu’elle aussi peut être une véritable république et la chose du peuple. — Elle le sera à plus forte raison, dit Mummius ; car un roi, par cela même qu’il commande seul, ressemble plutôt à un maître ; mais rien ne peut être plus heureux que l’État gouverné par une vertueuse aristocratie. Cependant j’aime mieux la royauté que l’entière indépendance du peuple, cette troisième forme de gouvernement, la plus vicieuse de lotîtes, et dont il vous reste encore à nous entretenir.

XXXV. Scipion. Je reconnais bien là, Mummius, votre aversion pour le gouvernement populaire. Et quoiqu’on puisse le traiter avec moins de sévérité que vous ne faites d’ordinaire, je vous accorderai volontiers que des trois c’est le moins digne d’éloges. Mais ce que je ne puis vous accorder, c’est que l’aristocratie vaille mieux que la royauté. Si un État est sagement gouverné, qu’importé que cette sagesse soit dans un seul ou dans plusieurs ? Mais ici les mots nous font illusion ; lorsqu’on parle d’aristocratie, il semble qu’il n’y ait rien de meilleur. En effet, que peut-on imaginer de meilleur que ce qui est excellent ? Lorsqu’on parle de roi, les rois injustes se présentent à la pensée comme les autres ; mais en ce moment il n’est nullement question des rois in-