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CICÉRON.

dements, la puissance, toutes les grandeurs et les biens à profusion, qu’il soit enfin dans l’opinion de tous le meilleur des hommes et le plus digne de la merveilleuse fortune : où est l’insensé qui hésiterait entre ces deux destins ? ] Lactant. Inst., I. v, c. 12.

XVIII. Ce qui est vrai des individus est vrai des peuples ; il n’est pas une nation assez aveugle pour préférer la justice dans l’esclavage à la domination au prix de l’injustice. Je n’irai pas chercher mes preuves bien loin. Pendant mon consulat, j’appelai le peuple, d’après vos propres conseils, à se prononcer sur le traité de Numance. Tout le monde savait que Q. Pompée avait conclu ce traité, et que Mancinus s’était engagé comme lui. Celui-ci, le plus intègre des hommes, appuya la proposition, que je présentai au peuple sur les ordres mêmes du sénat ; l’autre se défendit très-vivement. Où était l’honneur, la probité, la bonne foi ? du côté de Mancinus ; l’habileté, la politique, la prudence ? du côté de Pompée……(LACUNE)

XIX. Après ces considérations générales, Carnéade venait à la discussion des faits : Si un homme de bien, disait-il, a un esclave fugitif ou une maison insalubre et malsaine, que seul il connaisse le vice de l’une et la fuite de l’autre, et qu’il veuille, pour cette raison, les mettre en vente, annoncera-t-il qu’il veut vendre un esclave fugitif, une maison insalubre ; ou bien le cachera-t-il à l’acheteur ? S’il l’annonce, on le regardera comme un honnête homme qui a la délicatesse de ne pas tromper, mais comme un sot qui ne placera sa marchandise qu’à vil prix, si toutefois il peut s’en défaire. S’il ne l’annonce pas, il fait preuve de prudence, puisque ses intérêts doivent y gagner ; mais non de probité, puisqu’il trompe. Autre exemple : Si l’on rencontre un homme qui veut vendre de l’or ou de l’argent, croyant que c’est du clinquant ou du plomb, le laissera-t-on dans son erreur pour acheter bon marché, ou l’en tirera-t-on pour payer cher ? Ne serait-ce pas une sottise que de mieux aimer compromettre sa bourse ? — On devait conclure de là, selon Carnéade, que l’honnête homme est un sot, et que l’homme prudent n’est pas honnête.

XX. [Il proposait ensuite des exemples plus graves, où l’on voyait que souvent il en coûterait la vie pour pratiquer la justice. C’est ainsi qu’il disait : La justice défend à l’homme de tuer son semblable, de toucher au bien d’autrui. Que fera donc le juste si, dans un naufrage, il voit un homme plus faible que lui s’emparer d’une planche de salut ? Ne lui fera-t-il pas lâcher cette planche pour y monter à son tour, s’en aider pour se sauver, surtout lorsqu’il n’y a aucun témoin en pleine mer ? S’il est prudent, il le fera ; car autrement il doit périr. S’il aime mieux mourir que de faire violence à son semblable, il agit selon les règles de la justice, mais il est insensé de sacrifier sa vie pour épargner celle d’autrui. De même si, dans une déroute, notre juste, poursuivi par l’ennemi, rencontre un blessé fuyant à cheval, épargnera-t-il la, vie de ce blessé pour attendre une mort certaine ; ou le jettera-t-il à bas du cheval pour échapper aux mains des ennemis ? S’il prend ce dernier parti, il est prudent, mais coupable ; s’il ne le prend pas, il agit en homme de bien, mais en