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CICÉRON.

mauvais génie le poussait à infester les mers avec son chétif brigantin. — Le même, lui répondit le pirate, qui t’envoie ravager le monde.] Nonius, IV, 226 ; xiii, 6.

…… La prudence nous engage à augmenter notre pouvoir, à accroître nos richesses, à étendre nos possessions. Comment Alexandre, ce grand capitaine, qui recula si loin les bornes de son empire, aurait-il pu, sans toucher au bien d’autrui, recueillir tant de jouissances exquises, étendre au loin sa domination, soumettre tous ces peuples à sa loi ? La justice nous ordonne, au contraire, d’épargner tout le monde, de veiller aux intérêts du genre humain, de rendre à chacun ce qui lui appartient, de respecter les choses sacrées, les propriétés publiques et privées. Qu’arrive t-il ? Si vous écoutez les conseils de la prudence, homme ou peuple, vous gagnez richesses, grandeurs, pouvoir, honneurs, autorité, royaumes. Puisque nous parlons ici de la république, nous pouvons trouver dans l’histoire des peuples de plus illustres exemples ; et comme d’ailleurs tes nations et les individus sont gouvernés par les mêmes principes, je pense qu’il vaut mieux montrer suivant quelles règles de prudence un peuple se conduit. Pour ne rien dire des autres, jetons les yeux sur celui de Rome, et demandons-nous si c’est par la justice ou par la prudence que cet empire dont Scipion nous retraçait hier l’histoire depuis la première origine, et qui tient maintenant le monde entier sous ses lois, s’est élevé de ces obscurs commencements à ce faîte…..(LACUNE)

XIII. [Nous pouvons apprendre quelle différence il y a entre l’utilité et la justice dans l’histoire du peuple romain, qui, en déclarant la guerre par ses féciaux, en commettant légalement une foule d’injustices, en convoitant et ravissant toujours le bien d’autrui, s’est rendu le maître de tout l’univers.] Lactance, Instit., vi, 9. [Qu’est-ce que le bien d’un pays, si ce n’est le mal d’un autre ? L’intérêt d’un peuple n’est-il pas d’étendre ses frontières par la force des armes, de porter au loin son empire, d’accroître ses revenus ? Celui qui procure tous ces avantages à sa patrie, qui par la ruine des cités et l’anéantissement des peuples remplit le trésor public, confisque des terres, enrichit ses concitoyens, un tel homme est porté jusqu’aux nues ; on trouve en lui la souveraine et parfaite vertu. Et cette erreur n’appartient pas seulement au peuple et aux ignorants, mais elle est partagée par les philosophes, qui vont jusqu’à donner des leçons d’injustice.] Lactance, Instit., vi, 6.

XIV…… Tous ceux qui ont sur un peuple le pouvoir de vie et de mort sont des tyrans ; mais ils aiment mieux prendre le nom du Dieu souverainement bon, et s’appeler rois. Lorsque certains hommes, élevés par leurs richesses, leur naissance ou leur crédit, sont les maîtres de l’État, c’est une faction ; mais on lui donne le beau nom d’aristocratie. Si le peuple est l’arbitre suprême et tout-puissant, alors on dit que règne la liberté, et véritablement c’est la licence. Mais lorsque tout le monde se redoute dans un État, lorsque les individus et les ordres sont dans une défiance perpétuelle les uns des autres, alors il se forme une espèce de pacte entre le peuple et les grands, et l’on voit naître cette forme mixte de gouvernement dont Scipion nous faisait l’éloge. Car il faut bien comprendre que ce n’est ni la nature ni la volonté, mais la faiblesse, qui est mère de la jus-