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Crétois et les Étoliens tiennent en honneur te brigandage, et que les Lacédémoniens regardaient comme leur bien tous les champs où leur javelot pouvait atteindre. Les Athéniens juraient publiquement que toute terre portant des blés ou des oliviers leur appartenait de plein droit. Pour les Gaulois, c’est une honte de labourer la terre ; aussi vont-ils à main armée couper la moisson sur les champs d’autrui. Nous autres enfin, les plus justes des hommes, nous défendons aux nations transalpines de planter la vigne et l’olivier, pour donner plus de prix à notre huile et à nos vins : c’est de la prudence, j’en conviens ; mais direz-vous que ce soit de l’équité ? Reconnaissons donc que la justice et la sagesse ne sont pas sœurs si germaines. Apprenez-le au moins de Lycurgue, ce législateur excellent, ce flambeau d’équité, qui fait cultiver les terres des riches par le peuple, comme par des serfs.

X. Si je voulais parcourir les lois, les institutions, les mœurs et les coutumes, je ne dis pas des divers pays du monde, mais d’une seule ville, et de Rome elle-même, je prouverais qu’elles ont mille fois changé. Ainsi le savant jurisconsulte qui m’écoute, Manilius, consulté aujourd’hui sur les legs et l’héritage des femmes, répondrait autrement qu’il ne faisait dans sa jeunesse, avant la loi Voconia, loi rendue dans l’intérêt des hommes, et qui est pleine d’injustice pour les femmes. Pourquoi donc une femme ne pourrait-elle pas posséder ? Pourquoi une vestale a-t-elle le droit d’instituer héritier, tandis qu’une mère ne l’a pas ? Pourquoi, s’il fallait mettre des bornes à la richesse des femmes, la fille de P. Crassus, en la supposant fille unique, hériterait-elle légalement de cent millions de sesterces, tandis que la mienne ne pourrait en posséder trois millions ?……(LACUNE)

XI…… S’il y avait une justice naturelle, tous les hommes reconnaîtraient les mêmes lois, et dans un même peuple les lois ne changeraient pas avec les temps. Vous dites que le caractère du juste, de l’homme de bien, est d’obéir aux lois ; mais à quelles lois ? Serait-ce à toutes indistinctement ? Mais la vertu n’admet point cette mobilité, et la nature est éternellement la même. D’ailleurs, qu’est-ce qui fait l’autorité des lois humaines ? Ce sont les prisons et les bourreaux, et non l’impression évidente de la justice. Il n’y a donc point de droit naturel ; partant, ce n’est point la nature qui inspire aux hommes la justice. Direz-vous que les lois seules varient, mais que les gens de bien font naturellement ce qui est, et non ce que l’on croit juste ? Il semble, en i effet, que le propre de l’homme vertueux et juste, | c’est de rendre à chacun ce qui lui est dû. Voyons donc d’abord ce que nous devons aux bêtes ; car des esprits qu’on ne peut tenir pour médiocres, de très-doctes et de très grands hommes, Pythagore et Empédocle, enseignent que tous les êtres animés ont les mêmes droits, et menacent de châtiments terribles l’homme qui porte les mains sur un animal. C’est donc un crime que de faire du mal à une bête, et ce crime……(LACUNE)

XII. [Alexandre demandait à un pirate quel