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temps et à qui j’ai hâte d’arriver. — Lélius : vous voulez parler du politique ? — Scipion : vous l’avez dit. Lélius : vous en trouverez ici une assez belle réunion, à commencer par vous. — Scipion : plût aux Dieux que le sénat nous en offrit dans la même proportion ! Mais pour en venir aux qualités du politique, ne les trouvez-vous pas dans ces hommes que j’ai vus souvent en Afrique, assis sur le cou d’un animal monstrueux, gouverner et diriger leur énorme monture, et lui faire exécuter toutes sortes de mouvements sans violence, sans efforts, au moindre signe ? — Lélius : je connais ces hommes, et je les ai vus souvent, quand j’étais votre lieutenant en Afrique. — Scipion : mais ce Carthaginois ou cet Indien ne gouverne qu’un seul animal, apprivoisé déjà, et qui se plie facilement au commandement de l’homme ; tandis que ce guide intérieur que nous a donné la nature, cette partie de notre âme qu’on nomme la raison, doit dompter un monstre à mille têtes, farouche, intraitable, et dont il est bien rare de triompher. Il faut qu’elle soumette à ses lois cette ardente… (LACUNE)

XLI…… 1. Qui se nourrit de sang, qui fait ses délices de la cruauté, et que le plus effroyable carnage rassasierait à peine. Nonius, iv, 178.

2. L’homme livré à ses désirs, emporté par ses passions, et qui se roule sur un lit de voluptés. Id. viii, 64.

3. Trois affections de l’âme entraînent l’homme à tous les crimes : la colère, la cupidité, la concupiscence. La colère a soif de vengeance ; la cupidité, de richesses ; la concupiscence, des voluptés. Lactance, Instit. vi, 19.

4. La quatrième forme du chagrin est la tristesse ou le deuil de l’âme qui se torture sans cesse elle-même. Nonius, ii, 32.

5. Les angoisses commencent lorsque l’âme succombe au fardeau de la misère, et se laisse aller à la lâcheté. Id. iii, 246.

6. De même qu’un cocher inhabile est renversé du char, écrasé, meurtri, mis en lambeaux. Id. iv, 154.

7. Les passions de l’âme ressemblent à un char attelé. Pour le bien diriger, le premier devoir du conducteur est de connaître la route : s’il est dans le bon chemin, quelle que soit la rapidité de sa course, il ne heurtera pas ; mais s’il est dans le mauvais, avec quelque lenteur et quelque précaution qu’il avance, il s’embarrassera dans des terrains impraticables, ou il ira se perdre dans des précipices, ou pour le moins il se trouvera porté dans des lieux où il n’a que faire. Lactance, Inst. vii, 17.]

XLII… Lélius : je vois maintenant quelle tâche et quels devoirs vous imposez à cet homme dont j’attendais le portrait. — Scipion : à vrai dire, je ne lui impose qu’un seul devoir, car celui-là comprend tout le reste : c’est de s’étudier et se régler constamment lui-même, afin de pouvoir appeler les autres hommes à l’imiter, et de s’offrir lui-même, par l’éclatante pureté de son âme et de sa vie, comme un miroir à ses concitoyens. De même que la flûte et la lyre, la mélodie et les voix, de la diversité de leurs accents forment un concert que les oreilles exercées ne pourraient souffrir s’il était plein d’altérations ou de dissonances, et dont l’harmonie et la perfection résultent pourtant de l’accord d’un grand nom-