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CICÉRON.

rêt de mort. Aussi leur tyranie amena-t-elle bientôt un grand désordre dans l’État et une révolution complète. Ils avaient ajouté deux tables de lois iniques : tandis que les alliances même entre deùx nations sont autorisées par tout le monde, ils avaient interdit de la façon la plus outrageante les mariages entre les deux ordres d’un même peuple ; interdiction que leva plus tard le plébiscite de Canuléius ; enfin ils se montraient dans tout leur gouvernement exacteurs du peuple, cruels et débauchés. Vous savez tous, et nos monuments littéraires le célèbrent à l’envi, comment D. Virginius immola de sa main, en plein forum, sa fille vierge pour la soustraire à la passion infâme d’un de ces décemvirs, et se réfugia désespéré près de l’armée romaine, campée alors sur le mont Algide ; comment les légions, renonçant à combattre l’ennemi, vinrent occuper d’àbord le mont Sacré, comme la multitude l’avait fait naguère dans une occasion semblable, ensuite le mont Aventin… (lacune)… Nos ancêtres l’ont fort approuvé et très sagement maintenu ; c’est là du moins mon avis.

XXXVIII. Scipion s’interrompit un instant, et tous ses amis attendaient dans un religieux silence la suite de son discours. Tubéron s’enhardissant alors : Puisque mes aînés ne vous présentent aucune réflexion, je vous dirai moi-même, Scipion, ce que votre discours nous laisse à désirer. —Scipion : j’y consens, et de grand cœur. —Tubéron : vous venez, ce me semble, de faire l’éloge du gouvernement de Rome, tandis que Lélius vous avait demandé ce que vous pensiez de la politique en général. J’ajouterai même que votre discours ne nous a pas appris par quels principes, par quelles mœurs, par quelles lois nous pouvons affermir ou sauver cette constitution que vous admirez tant.

XXXIX. Scipion : je pense, Tubéron, que bientôt se présentera le véritable moment de parler de l’affermissement et de la conservation des États. Mais en ce qui touche la meilleure forme de gouvernement, je croyais avoir suffisamment répondu à la demande de Lélius. J’avais d’abord marqué trois sortes de gouvernement que la raison peut approuver, et trois autres toutes funestes, qui sont l’opposé des premières ; j’avais montré qu’aucun des trois gouvernements simples n’est le meilleur, et qu’il faut préférer à chacun d’eux celui qui les réunit et les tempère tous. Si j’ai proposé notre république pour exemple, ce n’était pas qu’elle dût me servir à déterminer en théorie la meilleure forme de gouvernement ; car, pour établir les principes, les exemples ne sont point nécessaires ; mais je voulais que l’histoire d’un grand État rendît palpables les enseignements un peu abstraits de la pure spéculation. Mais si vous avez le désir de vous représenter la meilleure forme de constitution sociale sans aucun modèle historique, jetez les yeux sur la nature ; puisque l’image de ce peuple et de cette cité… (LACUNE CONSIDERABLE)

XL. Scipion : celui que je cherche depuis long-