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CICÉRON.

sans permettre à vos pensées de se perdre dans le vague, vous les dirigez toutes vers l’examen approfondi d’une seule république. Poursuivez donc votre route ; il me semble déjà vous entendre expliquer l’histoire des autres rois, et nous montrer enfin la constitution romaine accomplie.

XII. Scipion reprit : Le sénat de Romulus, composé des premiers citoyens, que le roi avait assez élevés pour vouloir qu’ils fussent nommés Pères et leurs enfants patriciens, essaya, après la mort de Romulus, de gouverner sans roi la république ; mais le peuple ne le souffrit point, et, dans l’ardeur des regrets que lui inspirait son premier chef, il ne cessa de demander un roi. Les sénateurs alors imaginèrent une espèce d’interrègne inconnu jusque-là dans l’histoire des nations ; ils firent nommer un roi provisoire, qui leur offrait le double avantage de ne point laisser de lacune dans le gouvernement royal, et de ne point habituer le peuple à un seul et même maître ; ces rois de passage ne goûtaient pas assez longtemps le pouvoir pour hésiter à s’en défaire, ou pour se rendre capables de le conserver. A cette époque, nos premiers Romains, ce peuple si nouveau, aperçurent un grand principe qui avait échappé à Lycurgue. Le législateur de Lacédémone, si toutefois cette question était de son ressort, décida que l’on ne devait point élire les rois, mais que le trône appartenait aux descendants, quels qu’ils fussent, de la race d’Hercule. Nos ancêtres, malgré toute leur rusticité, reconnurent que c’était la vertu et la sagesse, et non le sang, qui devaient faire les rois.

XIII. La renommée rapportait des merveilles de la sagesse de Numa Pompilius ; c’était un Sabin ; mais le peuple, sans vanité patriotique, choisit pour roi, sur la proposition même du sénat, ce vertueux étranger, et l’appela de Cures à Rome pour régner. A peine arrivé, quoique le peuple l’eût nommé roi dans les comices par curies, Numa fit confirmer son autorité par une nouvelle loi que les curies votèrent également ; et comme il vit que les institutions de Romulus avaient enflammé les Romains pour la guerre, il jugea qu’il fallait peu à peu amortir cette ardeur et calmer leurs sens.

XIV. Et d’abord il distribua par tête aux citoyens les terres que Romulus avait conquises ; il leur fit comprendre que, sans piller ni ravager, ils pouvaient, par la culture de leurs champs, vivre dans l’abondance des biens, et leur inspira l’amour de la tranquillité et de la paix, à l’ombre desquelles fleurissent la justice et la bonne foi, et dont l’influence tutélaire protége la culture des campagnes et la récolte des fruits de la terre. C’est à Numa que remonte l’institution des grands auspices ; c’est lui qui porta de trois à cinq le nombre des augures, et qui choisit parmi les grands cinq pontifes qu’il préposa aux cérémonies sacrées ; il fit rendre toutes ces lois dont nous conservons le dépôt, et qui soumirent au joug bienfaisant des cérémonies religieuses les esprits habitués à la guerre et ne respirant que combats ; il créa les Flamines, les Saliens, le corps des Vestales, et régla saintement toutes les parties du culte public. Il voulut que les cérémonies sacrées fussent d’une observance difficile, mais d’un appareil très simple ; il établit une foule de pratiques toutes indispensables, mais qui ne nécessitaient aucuns frais dispendieux ; il multiplia les obligations religieuses ; mais le pauvre put s’en acquitter aussi facilement