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CICÉRON.

d'un grand homme, et d'un fondateur d'empire préparant sûrement la grandeur future de son peuple. De jeunes vierges sabines, de la meilleure naissance, étaient venues à Rome pour assister à la première célébration de nos jeux anniversaires que Romulus donnait dans le cirque; à son signal et sur son ordre, elles sont toutes enlevées, et unies par des mariages aux plus nobles familles. Cette injure arma les Sabins contre Rome; un combat fut livré; la victoire balançait, lorsqu'à la prière des Sabines enlevées, Romulus fit un traité avec Tatius, roi des Sabins. Par ce traité il reçut dans Rome les Sabins et leur culte, et partagea la puissance suprême avec leur roi.

VIII. Après la mort de Tatius, l'autorité revint tout entière dans les mains de Romulus. Déjà, du vivant de son collègue, il avait formé un conseil royal composé des premiers citoyens, que l'on appela Pères par affection; il avait divisé le peuple en trois tribus, qui portèrent son nom, celui de Tatius et celui de Lucumon, mort au côté de Romulus en combattant les Sabins; et en trente curies, désignées par les noms des Sabines qui avaient été médiatrices de la paix et de l'alliance. Romulus, disons-nous, avait formé toutes ces institutions du vivant de Tatius ; mais, après sa mort, il régna plus que jamais avec le concours des Pères et dirigé par leurs conseils.

IX. En agissant ainsi, Romulus prouva qu'il comprenait ce que naguère avait bien vu le législateur de Sparte, que la perfection du gouvernement royal et de la souveraineté d'un seul demande l'appui et le concours des meilleurs citoyens. Se faisant un soutien et comme un rempart de ce conseil, qui lui tenait lieu de sénat, il vainquit en plusieurs rencontres les nations voisines; et, sans conserver pour lui aucune de leurs dépouilles, il ne cessa d'enrichir ses concitoyens. En tout temps Romulus se montra religieux observateur des auspices, que nous maintenons aujourd'hui encore au grand profit de la république. Il prit lui-même les auspices pour fonder sa nouvelle ville, et c'est là l'origine sacrée de la cité romaine; et depuis, avant d'établir toutes ses institutions publiques, il choisit dans chacune des tribus un augure pour l'aider à consulter les auspices. Il voulut que les grands fussent les patrons du peuple et eussent chacun leur clientèle; disposition d'une grande utilité, comme je l'expliquerai bientôt. Enfin, il n'intro duisit dans ses lois pénales d'autres châtiments que des amendes de moutons et de boeufs (car toute la fortune d'alors consistait en troupeaux ou en terres, "pecus, locus", d'où sont venues pour désigner la richesse les expressions de "pecuniosi, locupletes"), et proscrivit la violence et les supplices.

X. Après avoir régné trente-sept ans et élevé ces deux solides colonnes de la république, les auspices et le sénat, Romulus disparut pendant une éclipse de soleil, et obtint cet insigne honneur qu'on le crut transporté au rang des Dieux : renommée merveilleuse pour un mortel, et qu'une vertu extraordinaire a pu seule mériter. Ce qui rend encore l'apothéose de Romulus plus admi-