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CICÉRON.

juste mesure les trois pouvoirs. J’aime que dans un État il y ait quelque chose de majestueux et de royal ; qu’une part soit faite à l’influence des nobles, et que certaines choses soient réservées au jugement et à l’autorité du peuple. Cette forme de gouvernement a d’abord l’avantage de maintenir une grande égalité, bienfait dont un peuple libre ne peut être privé longtemps ; elle a ensuite beaucoup de stabilité, tandis que les autres sont toujours près de s’altérer, la royauté inclinant vers la tyrannie, le pouvoir des grands vers l’oligarchie factieuse, et celui du peuple vers l’anarchie. Tandis que les autres constitutions se renversent et se succèdent sans fin, celle-ci, fondée sur un sage équilibre et qui n’exclut aucun pouvoir légitime, ne peut guère être sujette à toutes ces vicissitudes sans que les chefs de l’État n’aient commis de grandes fautes. On ne peut trouver de germe de révolution dans une société où chacun tient son rang naturel, y est solidement établi, et ne voit point au-dessous de place libre où il puisse tomber.

XLVI. Mais je crains, Lélius, et vous, mes sages amis, que si je m’arrête trop longtemps à ces questions générales, mon discours ne ressemble plutôt à la leçon d’un maître qu’au libre entretien d’un ami qui cherche la vérité avec vous. C’est pourquoi je vais vous parler de choses qui sont connues de tous, et qui ont été depuis longtemps l’objet de nos réflexions. Je le reconnais donc, je le sens, je le déclare, il n’est aucune forme de gouvernement qui, par sa constitution, son organisation, ses règles, puisse être comparée à celle que nos pères nous ont transmise et que nos ancêtres ont établie. Et puisque vous voulez entendre de ma bouche ce que vous savez si bien vous-mêmes, j’exposerai d’abord le système de la constitution romaine, je montrerai que de tous il est le plus excellent ; et, proposant ainsi notre république pour modèle, j’essaierai de rapporter à cet exemple tout ce que j’ai à dire sur la meilleure forme de gouvernement. Si j’en viens à bout, si je puis toucher le but, je crois que j’aurai surabondamment rempli la tâche que Lélius m’a imposée.

XLVII. Lélius. Imposée, dites-vous ! Mais s’il en est une qui vous convienne, c’est bien celle-là. Qui pouvait parler des institutions de nos ancêtres mieux que Scipion, issu d’un sang si glorieux ? Qui aurait mieux que vous le droit de nous entretenir de la meilleure forme de gouvernement, de cet état prospère qui n’est pas le nôtre aujourd’hui, mais qui ne le pourrait devenir sans vous rendre aux premiers honneurs ? A qui appartient-il enfin de nous parler d’avenir et de prévoyante sagesse, si ce n’est au héros qui a renversé deux puissantes rivales, la terreur de Rome, et garanti par là nos futures destinées ?


FRAGMENTS DU LIVRE PREMIER,

DONF LA PLACE EST INCERTAINE.

I. Mais comme la patrie nous comble de bien- faits, et qu'elle est notre mere bien avant celle qui nous a donné le jour, nous lui devons plus dé reconnaissance qu'à nos propres parents. (Nonius, v, 17.)

I. Carthage n'aurait pas été si florissante pen- dant pres de six siécles, sans un gouvernement sage ct une forte discipline. (Nonius, x11, 30.)