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tier ? Mais je ne suis point satisfait des ouvrages politiques que nous ont laissés les plus grands philosophes et les plus beaux génies de la Grèce ; et, d’un autre côté, je n’ose préférer mes propres idées à leurs systèmes. Écoutez-moi donc, je vous prie, non comme un homme à qui les livres des Grecs seraient entièrement inconnus, ou comme un esprit entêté de leurs théories, et commettant la faute, surtout en politique, de les préférer à nos antiques maximes, mais comme un Romain, qui doit à la sollicitude de son père une éducation libérale, qui est enflammé depuis son enfance du désir d’apprendre, et que l’expérience et les enseignements domestiques ont formé bien plus que les livres.

XXIII. Philus. Je suis convaincu, Scipion, qu’il est impossible d’avoir un génie plus heureux que le vôtre, et que pour l’expérience des grandes affaires politiques personne ne vous égale ; nous savons d’ailleurs quelle a toujours été votre ardeur pour l’étude. Aussi dès que vous nous donnez l’assurance que vos méditations se sont portées sur l’art difficile et sur les théories dont nous parlons, je ne puis que remercier Lélius du fond de mon cœur ; car j’ai l’espérance que votre entretien nous instruira plus que ne feraient jamais tous les livres des Grecs. — Scipion. Vous promettez à l’avance des merveilles de mon discours. Savez-vous bien que c’est là mettre dans une position difficile celui qui doit parler de grandes choses ? — Philus : Quelle que soit notre attente vous la surpasserez, comme c’est votre usage ; et il n’est pas à craindre que vous, Scipion, en parlant de la république sentiez tarir vos idées.

XXIV. Scipion : J’essaierai donc de répondre à vos désirs dans la mesure de mes forces ; et, pour débuter, je suivrai une règle à laquelle je crois qu’il faut se conformer dans toutes les discussions, si l’on veut éviter l’erreur. Cette règle consiste, quand le nom de l’objet en question est parfaitement arrêté, à expliquer nettement ce qu’il signifie. Ce n’est qu’après être tombé d’accord sur cette définition que l’on doit entrer en matière ; car avant de découvrir quelles qualités une chose doit avoir, il faut d’abord comprendre ce qu’elle est. Ainsi donc, puisque nous voulons parler de la république, voyons d’abord ce qu’il faut entendre par république. — Lélius fit un signe d’approbation, et Scipion poursuivit : Mon intention n’est pas, en nous entretenant d’une chose si manifeste et si connue, de remonter aux premiers principes, comme font d’ordinaire les philosophes, d’aller prendre mon point de départ à la première union de l’homme et de la femme, aux premiers liens du sang et aux différents nœuds de parenté qui se formèrent bientôt après ; je ne veux pas non plus définir chacun des termes, ni en marquer minutieusement toutes les diverses acceptions : je sais que je parle à des hommes éclairés, et qui se sont montrés, dans la première république du monde, à la fois de grands citoyens et de grands guerriers, et je ne veux pas m’exposer à leur donner des explications plus obscures que la chose même que je prétends éclaircir. Je ne m’engage pas à vous faire, comme un maître de gymnase, une leçon où rien ne soit omis ; je ne vous promets pas de tout dire sans négliger le moindre détail. — Lélius : Voilà bien la méthode que j’attendais de vous, Scipion.

XXV. Scip : La chose publique, comme nous