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séditieux nous font voir chaque jour des nouveautés étranges ; les gens de bien sont menacés dans leurs fortunes, de toutes parts il n’y a que périls : un homme, un homme seul pourrait les conjurer, mais on ne veut pas qu’il sauve son pays. Ainsi donc, jeunes gens, si vous m’en croyez, ne vous mettez pas en peine de ce second soleil : ou c’est une apparition trompeuse, ou c’est un prodige dont nous n’avons rien à redouter ; n’espérez pas qu’il nous soit jamais donné de découvrir ces mystères, ou que leur découverte puisse nous rendre meilleurs ni plus heureux : mais l’unité du sénat, la concorde dans le peuple, voilà ce qui est possible, voilà ce dont la perte est une calamité publique ; nous savons, nous voyons que cette calamité afflige Rome, et qu’en réunissant nos efforts, nous pouvons renaître à la vertu et au bonheur.

XX. Mucius. Que devons-nous donc apprendre, Lélius, pour être capables de faire ce que vous demandez ? — Lélius : L’art de la politique, qui nous rend utiles à notre pays ; car c’est là, selon moi, le plus magnifique emploi de la sagesse, la plus grande marque de la vertu, et le premier devoir de la vie. Ainsi, pour consacrer ces jours de fêtes aux entretiens qui peuvent être le plus profitables à notre chère patrie, prions Scipion de nous expliquer quelle est, à ses yeux, la meilleure forme de gouvernement. Nous examinerons ensuite d’autres questions, et lorsqu’elles seront suffisamment éclaircies, nous reviendrons, j’espère, par une voie naturelle, au grave sujet qui nous préoccupait à l’instant, et nous pourrons porter un jugement certain sur l’état critique où Rome est tombée.

XXI. Philus, Manilius et Mummius se joignirent avec empressement à Lélius. (LACUNE)… comme si un autre ne pouvait tracer ici le modèle d’une autre république. LÉL. Si je me suis adressé à vous, c’est d’abord parce qu’il appartient naturellement au premier citoyen de l’État de parler de la république, en second lieu parce que je me souvenais que vous aviez eu de fréquents entretiens sur cette matière avec Panétius et devant Polybe, deux des plus profonds politiques de toute la Grèce ; et qu’après maintes observations et réflexions, vous en étiez venu à conclure que de toutes les formes de gouvernement, celle que nous ont laissée nos ancêtres est incomparablement la meilleure. Préparé comme vous l’êtes sur cet important sujet, vous nous ferez à tous, car je puis répondre pour nos amis, un vrai plaisir en nous expliquant ce que vous pensez de la constitution et de la conduite des États.

XXII. Je dois avouer, Lélius, qu’aucun sujet de méditation n’a plus assidûment et plus vivement exercé mon esprit que celui même qui m’est aujourd’hui proposé par vous. Aussi bien, quand je vois dans toutes les carrières ceux qui sortent de la foule n’avoir d’autre pensée, d’autre soin, d’autre rêve que d’exceller dans leur genre, ne serais-je pas convaincu d’une inertie coupable, moi dont l’unique carrière, toute tracée par l’exemple de mon père et de mes aïeux, est de veiller aux intérêts publics et de conduire les affaires de l’État, si je consacrais au premier de tous les arts moins de veilles et de soins que le plus humble des artisans n’en donne à son mé-