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niers mots, qu’il vit entrer L. Furius ; il le salua, le prit amicalement par la main, et le fit asseoir près de lui. P. Rutilius, celui qui nous a rapporté cet entretien, arrivait en même temps. Scipion, après les premiers compliments, lui fit prendre place près de Tubéron. De quoi parliez-vous ? dit alors Furius ; est-ce que notre brusque arrivée aurait mis fin à votre conversation ? — NulIement, : répondit Scipion ; car la question que Tubéron avait soulevée entre nous est de celles qui ont d’ordinaire le privilège de vous intéresser vivement. Et quant à Rutilius, je me souviens que sous les remparts mêmes de Numance il proposait parfois des sujets semblables à nos entretiens. — Mais enfin, de quoi était-il question ? demanda Philus. —De ces deux soleils dont tout le monde parle, dit Scipion ; et j’aurais grande envie de savoir ce que vous-même pensez de ce prodige.

XII. A cet instant, un esclave vint annoncer que Lélius sortait de chez lui et se dirigeait vers les jardins de Scipion. Celui-ci se lève, met à la hâte sa chaussure et une toge, et sort de son appartement ; après avoir fait quelques pas sous le portique, il rencontre et reçoit Lélius, et avec lui Spurius Mummius, pour qui il avait une tendresse particulière ; C. Fannius et Q. Scévola, tous deux gendres de Lélius, jeunes gens d’un esprit fort cultivé, et qui déjà avaient atteint l’âge de la questure. Scipion fait accueil à chacun, puis il se retourne pour les conduire, en ayant soin de laisser la place du milieu à Lélius. C’était en effet comme une convention sacrée de leur amitié, que dans les camps Lélius honorât Scipion comme un dieu, à cause de sa grande gloire militaire, et qu’une fois les armes déposées, Scipion à son tour témoignât le respect d’un fils à Lélius, qui avait plus d’âge que lui. Toute la société fit d’abord un ou deux tours sous le portique, en échangeant quelques paroles de bienvenue. Bientôt Scipion, qui était heureux et charmé de l’arrivée de ces hôtes, leur offrit de venir se reposer à l’endroit de la prairie le plus exposé au soleil, car on était alors en hiver. Ils se rendaient à son invitation, lorsque survint un habile jurisconsulte, M. Manilius, qui leur était cher et agréable à tous ; Scipion et la société le reçurent avec un empressement affectueux, et il alla prendre place auprès de Lélius.

XIII. Je ne crois pas, dit alors Philus, que l’arrivée de nos amis doive nous faire changer d’entretien ; la seule obligation qu’elle nous impose, c’est de traiter le sujet avec le plus grand soin, et de nous montrer dignes d’un tel auditoire. — Quel est donc ce sujet, demanda Lélius, et quelle conversation avons-nous interrompue ? — Scipion me demandait, dit Philus, ce que je pensais de l’apparition incontestable d’un second soleil. — Lélius. Eh quoi ! Philus, sommes-nous assez édifiés sur ce qui se passe chez nous ou dans la république, pour nous mettre ainsi en quête des phénomènes célestes ? — Philus. Croyez-vous donc, Lélius, que nos intérêts les plus chers ne demandent pas que nous sachions ce qui se passe dans notre propre demeure ? Mais la demeure de l’homme n’est pas renfermée dans l’étroite enceinte d’une maison ; elle est aussi vaste que le monde, cette patrie que les Dieux ont voulu partager avec nous. Et d’ailleurs, si nous ignorons ce qui se passe dans les cieux, combien de vérités, que de choses importantes nous seront éternellement cachées ! Pour moi du moins,