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TRAITÉ
DE LA RÉPUBLIQUE


PRÉFACE.

Parmi les ouvrages philosophiques de Cicéron, il n’en était pas de plus fréquemment cité par Tau- leur, et de mieux apprécié dans l’antiquité, que le traité de la République. C’était de tous le plus sé- rieux et le plus original ; Rome s’en enorgueillissait, et des Grecs eux-mêmes le préféraient aux livres d’Aristoteet de Platon. Aussi, lorsqu’à la renais- sance des lettres, les amis de l’antiquité rassemblè- rent avec ferveur les livres dispersés du grand ora- teur, ils furent douloureusement surpris de ne plus trouver un seul manuscrit d’un ouvrage qui avait été répandu dans tout le monde savant, et que les premiers siècles du moyen âge avaient certaine- ment connu et multiplié. Des recherches actives furent dirigées de tous côtés ; on demanda l’ouvrage du consul romain à l’Italie, à la France, à l’Alle- magne, à la Pologne elle-même ; il n’y fut épargné ni dépenses ni soins. Mais tous les efforts furent inutiles ; et l’on vit pendant quatre siècles les édi- teurs de Cicéron réduits à déplorer une perte réputée irréparable ; et à rapprocher du songe deScipion, admirable fragment de la République, conservé par Macrobe, quelques textes de saint Augustin, de Lactance, du grammairien Nonnius, débris in- formes d’un monument dont ils ne montraient ni l’économie ni le mérite. Un savant italien a eu , dans les premières années de ce siècle, le bonheur si longtemps et si vainement poursuivi à l’époque de la renaissance , et que tant d’érudits modernes rêvaient encore, malgré l’inuti- lité des recherches du seizième siècle. M. Angelo Mai’, récemment élevé au cardinalat, a retrouvé la Répu- bliqueà demi effacée sur un de ces manuscrits qu’on nomme palimpsestes , parce que la première écri- ture est recouverte d’une seconde. Malheureuse- ment la découverte est incomplète. Le précieux manuscrit présentait beaucoup de lacunes, et la composition entière, qui devait être la plus vaste de Cicéron, n’avait jamais été renfermée dans le seul cahier que la poussière du Vatican nousait rendu. JNous ne pouvons, malgré cette bonne fortune de M. Angelo Mai, récompense si légitime de tant de travaux, nous ne pouvons nous flatter d’avoir plus de la moitié d’un ouvrage tour à tour admiré, et remplissant le monde, perdu , recherché vainement, et sortant tout à coup en lambeaux des feuilles ou-

bliées d’un parchemin que la pieuse barbarie du

moyen âge avait consacré à une tout autre desti- nation. Cicéron avait d’abord divisé la République en neuf, livres pour répondre au nombre de jours des féeries latines, pendant lesquelles l’artifice de la composition voulait que l’entretien qui remplit l’ou- vrage eût été tenu. Il réduisit ensuite les neuf livres à six, et le nombre de jours à trois. De ces six li- vres, le manuscrit du Vatican nous a fait retrouver une grande partie du premier, un long fragment du second, quelques beaux détails du troisième, et enfin deux ou trois pages du quatrième et du cin- quième. Le sixième livre est encore réduit, dans l’é- dition de M. Angelo Mai, au songe de Scipion et à quelques phrases sans lien, recueillies par les écrivains anciens qui citaient souvent Cicéron et ce traité en particulier. De toutes ces pièces éparses, nous pourrons cependant, sans trop d’imperfection et d’arbitraire, recomposer un tout, qui ne sera pas la République de Cicéron telle qu’elle est sortie des mains de son auteur, mais qui nous en donnera une juste idée, nous en montrera les principales divisions, le but et l’esprit. Cicéron, qui aimait à mettre ses pensées dans la bouche des plus célèbres de ses concitoyens , et surtout des hommes anciens, à la fois très-illustres et très-graves, pour donner à ses propres senti- ments l’autorité de ces grands noms , a rassemblé dans le traité de la République tout ce que Rome contenait de plus fameux à l’une des plus glorieuses époques de son histoire. Scipion Émilien, Lélius, Manilius, Tubéron, Philus, Fannius, Scévola, sont les principaux personnages de ces dialogues ; Sci- pion en est le héros ; Lélius y défend la cause de la justice ; tous ensemble recherchent quelles sont les conditions de la vie politique, comment une nation doit être constituée, d’où vient la grandeur de l’em- pire romain, et par quelles sages maximes, quelles institutions et quelles lois on pourra le maintenir, le protéger et le perpétuer. Le premier livre est consacré à la discussion des diverses formes de gouvernement : c’est un entre- tien purement théorique, dont le but est d’établir les vrais principes de toute politique, en dehors des applications, et un peu dans le monde idéal,

comme avait fait Platon, mais avec un sentirneni