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par conséquent le consentement s'y trouve. Mais si la cause de notre impulsion propre n'est pas en nous, l'impulsion elle-même n'est pas en notre pouvoir. S'il en est ainsi, rien de ce qui suit l'impulsion ne dépend de nous. Donc, notre consentement et nos actions ne sont pas en notre pouvoir : d'où il résulte que la louange et le blâme, les honneurs et les supplices sont des contre-sens.» Mais ce sont là des conséquences absurdes, dont il est vraisemblable de conclure que tout ce qui se fait ne se fait pas fatalement.

[18] XVIII. Chrysippe, qui rejette la nécessité et qui veut cependant que rien n'arrive sans causes antécédentes, établit une distinction entre les causes, pour éviter la nécessité et retenir le Destin. Parmi les causes, dit-il, les unes sont parfaites et principales, les autres auxiliaires et prochaines; c'est pourquoi quand je dis que tout arrive en vertu de causes antécédentes, je n'entends pas, que ce soient des causes parfaites et principales, mais seulement des causes auxiliaires et prochaines. Il répond ainsi à l'argument que je rapportais tout à l'heure : «Si tout se fait par le Destin, dit-il, il en résulte bien que tout se fait en vertu de causes antécédentes, mais non pas que ces causes soient principales et parfaites; il suffit qu'elles soient auxiliaires et prochaines. Elles ne sont pas en notre puissance, il est vrai; mais on ne doit pas en conclure que notre impulsion n'est pas en notre puissance. Cette conclusion ne serait fondée que si nous parlions de causes parfaites et principales; alors seulement, ces causes n'étant pas en notre puissance, il serait vrai que notre impulsion ne nous appartiendrait pas non plus. Ainsi donc l'argument que je combats n'a de force que contre ceux qui admettent à la fois le Destin et l'efficacité nécessaire des causes; mais il ne prouve rien contre ceux qui, tout en recevant des causes antécédentes, ne les font ni principales ni parfaites.» Quant à la difficulté qui reste encore, lorsqu'on rattache le consentement à des causes précédentes, Chrysippe pense qu'il la résoudra facilement. Voici de quelle manière : «Quoiqu'il ne puisse y avoir de consentement sans une perception qui nous remue, cependant, dit-il, la perception n'est que la cause prochaine et non pas efficiente du consentement, qui se trouve alors dans une condition dont nous avons déjà parlé : il ne peut se produire sans l'excitation d'une cause étrangère, (car il n'y a point de consentement sans perception ; mais il se produit comme se meut un cylindre et un sabot. (C'est la comparaison familière de Chrysippe.) Il faut que l'on chasse le sabot pour qu'il tourne; mais une fois lancé, il continue à tourner de sa propre impulsion.»

[19] XIX. «Celui qui chasse le sabot le met en mouvement, mais ne lui donne pas sa volubilité.» Ainsi, toujours selon Chrysippe, l'objet de la perception imprime et grave en quelque sorte son image en notre âme, mais notre consentement reste en notre pouvoir; notre volonté reçoit, comme le sabot, une impulsion du dehors; mais c'est en vertu de sa propre nature, et spontanément, qu'elle suit cette impulsion. Si quelque événement arrivait sans cause antécédente, il serait faux que le Destin réglât tout; mais s'il est raisonnable d'accorder que tout fait a sa cause qui le précède, comment se défendre de cette conséquence légitime que tout se fait par le Destin? pourvu toutefois que l'on ne perde jamais de vue la distinction qui a été établie entre