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espèce de cause. Quand nous disons qu'un vase est vide, nous n'exprimons pas la même idée que les physiciens lorsqu'ils affirment qu'il n'y a pas de vide dans la nature: ce que notre langage signifie, c'est que le vase ne contient pas d'eau, par exemple pas de vin, pas d'huile. Tout pareillement, lorsque nous disons que l'âme agit sans cause, nous entendons sans cause externe et précédente, mais non pas sans cause absolument. A ce compte on pourrait dire de l'atome lui-même qui est emporté dans le vide par son propre poids, qu'il se meut sans cause, puisque son mouvement n'est déterminé par aucune cause externe. Mais les physiciens, nous entendant prononcer ces mots d'effets sans causes, vont se rire de nous; hâtons-nous de distinguer, et de leur dire : il est compris dans la nature même de l'atome que son propre poids l'entraîne; et c'est là la cause de son mouvement. Par une raison semblable, il ne faut pas chercher de cause externe au mouvement volontaire de l'âme; car la nature du mouvement volontaire implique qu'il soit en notre puissance et dépende de nous; il n'est donc point sans cause, car la cause que vous cherchez, c'est sa nature même. S'il en est ainsi, on peut très certainement accorder que toute proposition est vraie ou fausse, sans être obligé de convenir qu'en conséquence tout arrive fatalement.

[12] XII. Non pas, répond Chrysippe; parce qu'aucun événement futur ne peut être vrai, qui n'ait dans le présent des causes en vertu desquelles il arrivera un jour; tout événement est donc nécessairement lié à ses causes, et tout ce qui est vrai à l'avance se produit fatalement. - Tout serait bientôt dit sans doute, s'il fallait accorder ou que le Destin gouverne tout, ou qu'il y a des effets sans causes. Mais, je vous le demande, cette proposition: «Scipion prendra Numance,» ne peut-elle être vraie qu'à la condition qu'une série infinie de causes ait de toute éternité amené cet événement? Imaginez qu'on l'ait exprimée six cents siècles avant, eût-elle été fausse? Si alors il n'était pas vrai de dire : «Scipion prendra Numance,» il n'est pas vrai de dire aujourd'hui, après la ruine de cette ville : «Scipion a pris Numance;» car est-il possible qu'un fait se soit accompli, dont il n'ait pas été vrai de dire : il s'accomplira? Ce que nous appelons vrai dans le passé, c'est ce qui a été réel à une certaine époque; et en même sorte, nous appelons vrai l'événement futur qui sera réel dans l'un des moments de l'avenir. Ainsi donc, si l'on doit dire que toute proposition est ou vraie ou fausse, il ne s'ensuit pas que tout, dans le monde, soit produit par des causes immuables et éternelles, et que chaque événement arrive forcément tel qu'il devait arriver. Il y a des causes fortuites qui donnent de la vérité aux propositions de ce genre : «Caton viendra au sénat,» et qui ne sont point comprises dans la nature des choses, ni dans l'ordre éternel de l'univers. L'avenir est tout aussi certain que le passé; mais cette certitude n'entraîne ni la nécessité ni le Destin. Incontestablement, si cette proposition : «Hortensius viendra à Tusculum,» n'est pas vraie, on doit admettre qu'elle est fausse; mais les Épicuriens prétendent qu'elle n'est ni vraie ni fausse, ce qui est absurde. Nous ne nous laisserons point embarrasser non plus par le sophisme paresseux (g-argos g-logos), comme l'appellent les philosophes; car, s'il fallait l'en croire, nous nous tiendrions dans une inaction complète. Voici sous quelle forme on le présente : «Si votre destinée est de guérir